C’est bientôt la fête dans le petit village de Kuge. Et lorsque l’on connaît les traditions « ancestrales » des habitants du patelin, il faut vraiment s’attendre au pire. Les tomes 3 et 4 de Gannibal font monter la tension et le niveau d’un cran avec le seinen de Masaaki Ninomiya. Ce thriller psychologique baigne dans l’horreur grâce aux éditions Meian.
L’agent Daigo se retrouve dans une situation assez délicate. Il essaye toujours de comprendre le meurtre de Kanô, son prédécesseur. Ce jeu de piste le mène à suspecter non seulement les consanguins de la lignée des Gotô mais aussi le reste de la population du hameau. Il ne voit plus ses sympathiques voisins du même œil. Les résidents s’avèrent aussi louches que la célèbre famille de la petite bourgade. Le policier flaire une surveillance constante. Il trouve un traceur GPS sous son véhicule. Leurs moindres faits et gestes sont sujet à discussions et échanges entre les proches riverains. L’insistance de monsieur Sabu commence à peser lourd sur le train de vie des Agawa. Son instinct de détective carillonne et lui dit que quelque chose ne tourne pas rond. Ce doute renforce un sentiment de malaise ambiant déjà omniprésent.
Un jeune homme rentre en relation avec l’agent de police. Est-ce lui le contact qui se dissimule derrière le dernier numéro composé sur le téléphone satellite de Kanô ? Voilà une énigme supplémentaire. Une rencontre est programmée et il s’avère que ce protagoniste cache son visage derrière un masque. Cet homme sans nom pour l’instant, raconte sa pénible histoire à Daigo. L’effroi gagne Agawa car désormais les soupçons de cannibalisme de la communauté se transforment en véritables preuves. Un journaliste du nom d’Utada en fera tout autant. Il publie sur son blog le résultat d’une enquête sur la mort de nouveaux-nés et la disparition d’enfants non déclarés dans la commune perdue qu’est Kuge. La fille de monsieur Sabu avouera à l’inspecteur un soir de rassemblement et de festivité, que son bébé était bien vivant malgré l’acte de décès prononcé par l’unique sage-femme de la commune, Gin Gotô. Il apparaît que tous ces indices auraient un lien direct avec la cérémonie de l’échange. Une commémoration annuelle mais surtout sacrificielle à laquelle s’adonnerait une grande partie de la population.
Obstiné, le policeman tient à résoudre cette étrange affaire. Il passe à l’offensive et n’a plus d’autre choix que d’aborder cette enquête de manière frontale. Tous les villageois voient cette investigation d’un très mauvais œil et Daigo doit absolument mettre ses proches à l’abri. Sa mission devient périlleuse.
Masaaki Ninomiya prend son temps et pose son intrigue page après page de façon palpitante. Le scénariste favorise toujours autant l’atmosphère suintante et pesante de son titre. Le polar noir se marie somptueusement à l’aspect claustrophobique. Le rythme est soutenu, il n’y a quasiment pas de temps mort dans ce manga. L’auteur distille les rebondissements par petites touches. La violence guette à chaque chapitre. Nous commençons à reconstituer les pièces du puzzle. Le faux-semblant, l’épouvante, et l’aversion appuient l’antagonisme si cher à la série. Le lecteur ne peut-être qu’hypnotisé par cette histoire sombre et lugubre.
Le dessin transpire la monstruosité graphique. Les gros plans sont employés à plusieurs reprises, ils servent à merveille le script. L’expressivité et les réactions des protagonistes sont toujours aussi démonstratives et éloquentes. L’illustrateur fait preuve de toute son habileté et joue énormément avec les regards et la physionomie de ses personnages. La mise en page accentue cette sensation d’étrangeté. Les cadrages et les choix de perspectives collent totalement au côté brutal du récit. Ce style s’harmonise avec la perversité mais surtout au ton décalé nécessaire, il est donc parfait.
Vous l’aurez donc compris, je me régale une fois de plus et sans vilain jeu de mots avec cette bande dessinée japonaise « racée ». La traduction de ces volumes tient toutes ses promesses. Cette aventure macabre continue d’être fascinante voire envoûtante mais le pire reste toujours à venir.
Chronique de Vincent Lapalus.