The Shaolin Cowboy T3: Le Jambon, le Bouddha et le Tourteau

Toute bonne chose a une fin malheureusement, et c’est avec énormément de regrets que je dois vous annoncer l’épilogue des aventures du cousin éloigné d’Ogami Itto et Zatoichi. Je suis très triste de dire au revoir à l’une de mes séries fétiches directement sortie de l’imagination fertile du bien nommé Geof Darrow. The Shaolin Cowboy : Le Jambon, le Bouddha et le Tourteau est imprimé et relié par les éditions Futuropolis.

Notre moine combattant fut en bien mauvaise posture lors du tome précédent. Après avoir combattu et vaincu une horde de morts-vivants, que n’aurait pas renié ce cher Robert Kirkman et son très en vogue Walking Dead, il finira avec une balle logée en plein cœur tirée par des clampins en voiture qu’il a eu le malheur de croiser sur sa « route 666 » du bushido.

Mais que nenni mes bons amis, le représentant de la célèbre trente-sixième chambre se relève de tout grâce aux enseignements de son vénérable sensei ainsi qu’à l’aide de Robert Mitchum qui sont ses deux maîtres spirituels. Shaolin concentrera ses chakras et son ch’i pour revenir à la vie et tromper le gardien Duyu en échangeant sa place en enfer avec un raton laveur. Le religieux es kung-fu décide de traîner sa carcasse et ses guêtres jusqu’à la ville la plus proche. Mais son ennemi le plus redoutable l’y attend de pied ferme (où de pattes devrais-je dire). Eh oui le roi crabe est de retour ! On aurait pu penser que leur affrontement dans le premier volume s’était terminé par la mise à mort du crustacé, ce dernier avait fini sa confrontation infernale avec les pinces et l’abdomen soudés au pare choc d’une bagnole, mais il n’en est rien.

Le décapode va s’appuyer sur ses fidèles lieutenants Crabby Hayes (un autre crabe surdimensionné) et Hog Kong (un phacochère géant) pour stopper le combattant coûte que coûte. Et là mon pote, ça va partir en sucette mais quelque-chose de joli ! La foire au bourre-pif, le rassemblement de la mornifle et le concours olympique du kick vont pouvoir démarrer. Ils s’étaleront comme à l’accoutumée sur soixante-dix pages de mises à mort en tout genre. Quelle que soit l’espèce, humanoïde ou animale, tout le monde va en prendre plein la courge. Le gang du « king » crabe et ses bras droits se feront déglinguer successivement par le bouddhiste chan en terrain urbain. Des stations-services qui explosent, des automobiles qui se plient comme du papier aluminium, des rues qui se jonchent de cadavres au milieu des passants d’un je-m’en-foutiste royal ne sont que des exemples parmi tant d’autres. La « téci » deviendra le tatami géant d’une violence (physique et émotionnelle) gratuite mais nécessaire pour ramener la zénitude sur le macadam. La planète est usée et l’humanité dépérit. En bref un panorama pourri qui ne demande qu’à être transcendé pour atteindre le nirvana. La bonne parole sera prêchée sur le pavé par notre héros à grands renforts de mandales tantriques qui finiront en surimi volant sauce piquante et en groin tuméfié. Un conseil : les malandrins les plus infâmes n’ont qu’à bien se tenir !

Geof Darrow continue son odyssée décalée en marchant sur les traces de son mentor Jean Giraud-Moebius, dans l’esprit de créer son « désert B » : Un univers qui lui est propre et pour lequel il peut céder à toutes les fantaisies qui lui passent par la tête. Le Darrow scénariste donne l’impression de naviguer en roue libre mais laisse plutôt parler son imagination en nous délectant d’un récit certes complètement fou mais qui trouve le moyen de nous faire digérer les couleuvres les plus énormes. Il suffit au lecteur de s’abandonner aux facéties crapuleuses du sieur Geof et il trouvera en Shaolin Cowboy un titre délicieusement fourre-tout qui se transforme en une lecture décompressée et hautement conseillée. Ce volume possède plus de dialogues que les précédents. Pour le coup, ce sont les animaux qui jactent le plus. Il propose une vision à ses tribulations façon Miyazaki avec des cochons énormes. Ces animaux déblatèrent à tout-va et pratiquent les arts martiaux en toute quiétude. Le tout bascule vite dans le « Putain c’est quoi tout ce foutoir ?!» mais de manière totalement assumée. Nous nous retrouvons entre les mains avec une œuvre qui laisse libre court à l’imaginaire et où les idées les plus farfelues passent comme une lettre à la Poste. Son créateur prône et cultive son espace de liberté avec une bande dessinée des plus originales. Quelques piques et autres opinions politiques biens relevées anti-Trump viennent se glisser ici et là.

Le Darrow dessinateur est un génie doux et dingue. Son style graphique déborde à l’excès, sa pagination est à la fois saisissante et effrayante. L’illustrateur voit, interprète et dessine en grand angle. Virtuose acharné de travail, le nombre de détails dans chacune de ses planches est ahurissant. Nous sommes à la limite de l’obsession graphique. Ce concepteur d’images ne se fout pas de la gueule du monde et y met beaucoup d’efforts. Cela se ressent jusque dans son découpage toujours aussi dynamique et cinématique. Un homme préhistorique qui peint sur les feuilles comme sur les murs, à l’aide de la dynamite qui lui sert de crayon tout en y prenant beaucoup de plaisir.

Pour les couleurs, Dave Stewart suit l’artiste dans ses délires les plus loufoques avec des teintes du même niveau de folie créatrice. Le tandem accouche d’une association esthétique réciproquement profitable. En bref, une harmonie visuelle.

Pour le grand final concernant cette création Darrow-nienne. Le Jambon, le Bouddha et le Tourteau est un moment de grâce aussi délectable que Le Bon, la Brute et le Truand de Sergio Leone à sa manière bien particulière. Consolez-vous avec moi mes chers frères et sœurs abonnés. Accompagnons une dernière fois ce livre déjanté sur nos étagères. Qu’il puisse rejoindre ses proches Bourbon Thret, Hard Boiled et Big Guy dans nos mémoires de lecteurs et gloire à ce prophète de la mise en page. Il nous aura délectés d’une création cent pour cent fun de la première jusqu’à la dernière vignette.

Chronique de Vincent Lapalus.

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