J’aurais bien envie de battre tambour ou hurler sur tous les toits que le dernier Brunschwig est arrivé, le problème, mais est-ce vraiment un problème, c’est que ce fantastique scénariste sort deux nouveautés en même temps ! Ce volume des « Frères Rubinstein », Shabbat Shalom, aurait dû arriver dans les bacs en plein confinement, il a donc fallu patienter. Heureusement, les éditions Delcourt, n’ont pas décidé de reporter sa publication à l’année prochaine. Cette série, qui se déclinera en neuf tomes, est magistralement bien construite et elle doit cela à une équipe de choc. Trois preux chevaliers, Luc Brunschwig à la plume, Etienne le Roux et Loïc Chevallier au dessin et pour agrémenter tout cela une gente dame, Elvire de Cock pour la couleur. Ne vous y trompez pas, il n’y a rien de médiéval à cette histoire, nous allons débarquer, avec force et fracas, à la fin des années 20. En juin 1927, dans un petit village minier, la famille Rubinstein s’apprête à vivre un grand événement. Moïse, le plus jeune de la fratrie, il en est sûr, va être « le major de la promotion 1927 ». Ce fils de tailleur va être le premier de sa cuvée. Son père et sa mère sont si fiers, qu’il reçoit un nouveau costume et un cartable neuf. Aujourd’hui c’est SON jour, il doit être à la hauteur… Si ce jour a bien commencé, il va s’en dire que le jeune « Moschele » va aller de désillusion en désillusion. Comment ont-ils pu croire qu’un fils d’ouvrier, qui plus est Juif, pouvait recevoir une récompense ? La gloire est donnée au petit-fils du fondateur de l’académie et fils du directeur actuel, Louis Lambertin. En quelques secondes toute l’existence du jeune homme s’effondre. Salomon, son frère aîné, le plus indépendant et rebelle des deux, ne va pas tolérer cet affront. Si sa vengeance semblait anodine, c’était sans compter sur un malheureux concours de circonstances…Tout va basculer en une fraction de seconde. « Shlomo » se voit accusé d’avoir passé à tabac le fils Lambertin. Tous les hommes de la bourgade se rendent chez la famille Rubinstein pour le lyncher. Il n’est pas encore rentré et quand il arrive, c’est déjà trop tard. La maison familiale est en feu. C’est alors le début d’une fuite en avant et d’une nouvelle vie pour les deux jeunes hommes…La Seconde Guerre n’a pas encore commencé, mais on en devine déjà les prémisses. Sur cette période, j’ai lu un nombre faramineux de titres, que ce soit sous forme de bandes dessinées, de romans ou des écrits historiques. On pourrait penser que c’est un récit de plus sur le sujet: ce serait se tromper lourdement. Luc Brunschwig a su élaborer un scénario original, dynamique et brillant. Le périple que vont vivre ces deux gaillards est palpitant ! Suite à leur exil forcé, ils vont débarquer sur le continent américain…Faut-il encore présenter le génialissime scénariste ? Si vous répondez oui, c’est que vous êtes passés à côté de sacrement bonnes séries : Le pouvoir des innocents, l’esprit de Warren, l’excellent Lloyd Singer, Mémoire dans la poche avec Étienne Le Roux, ou encore Holmes chez Futuropolis et plus récemment l’incontournable Luminary, dont le deuxième volet est sorti le même jour que le premier des frères Rubinstein. Tous sont d’une efficacité et d’une intensité à toute épreuve. Étienne Le Roux a excellé sur des compositions telles que : Aménophis IV, 14-18 aux éditions Delcourt, déjà accompagné par Loïc Chevalier, ainsi qu’un volume de Conan le Cimmérien et j’en passe et des meilleurs. Loïc Chevalier, quant à lui, a participé aux adaptations de La quête d’Ewilan de Pierre Bottero aux éditions Glénat. Pour finir, Elvire de Cock a sublimé avec ses couleurs plusieurs albums : L’héritage de Taironas, Bérézina, Sisco, ou encore The regiment, l’histoire vraie du SAS. Que des ouvrages pour de vrais hommes ! Je rigole, j’adore ce genre de bandes dessinées, d’ailleurs on me dit souvent que je ne lis que des BD de mecs !?. Les premières pages s’ouvrent sur l’arrivée de Moïse dans le camp de travail « Sobibor ». Suivront des flash-backs où, tour à tour, nous observons les différentes péripéties des deux frères. Ces pérégrinations d’une période à l’autre pourraient être peu lisibles. Ici, il se passe tout à fait le contraire. Ce sont ces allers-retours qui donnent toute la clarté et le dynamisme à l’histoire. C’est un peu comme si on lisait trois récits en un. On aborde d’abord l’insouciance, leur jeunesse dans le village accompagné de la famille et des amis. Dans un deuxième temps, l’étape plus débridée et folle qu’ils passent aux États-Unis et enfin la plus sombre avec la survie dans les camps de la mort. On voyage d’une séquence à l’autre avec délectation et l’on voudrait que jamais cela ne cesse… C’est avec bonheur que nous retrouverons cette équipe de choc le 14 octobre pour le deuxième opus et pour le tome 3, au printemps 2021 !
Chronique de Nathalie Bétrix