NO WAR #4

Ça y est ! On peut enfin le trouver dans les bacs de nos libraires préférés.

No war #4 d’Anthony Pastor vient de paraître chez Casterman.

Et avec ce quatrième opus, véritable page-turner, c’est une deuxième saison très prometteuse et addictive qui commence.

Si certains fils se dénouent, d’autres se nouent dans ce thriller futuriste, dystopique, politico-économique teinté de chamanisme au rythme échevelé.

Un pur bonheur !

L’histoire

Le Vukland, petit archipel fictif situé entre l’Islande et le Groenland comprend deux îles principales : Numak et Saarok, le territoire du peuple autochtone kivik. Un projet de barrage sur les terres sacrées des Kiviks va créer des tensions qui ne vont cesser de s’exacerber après la découverte sur l’îlot du corps d’un ingénieur en charge du projet par Run qui, à cette occasion, va s’emparer d’une pierre sacrée une kafikadik.

Les kafikadiks, qui peuplent les sources d’eau chaude de Saarok auraient des propriétés curatives, mais seraient en revanche extrêmement dangereuses si on les touche ou les déplace.

Run, dont la mère est activiste kivik et dont le père vulko (gadjo des Kiviks) œuvre à la réalisation du barrage, se considère comme une personne ayant « un cul entre deux chaises » et se refuse à choisir entre ses deux cultures.

Ajoutez à cela l’élection controversée du président populiste et ultralibéral Pürsson. Vont s’en suivre contestations, manifestations – de la jeunesse notamment – organisées via les réseaux sociaux, répression du pouvoir en place, arrestation des opposants, évacuations musclées de squats par des skinheads au service des autorités avec en toile de fond histoires de famille, complots et tentatives de meurtres …

Chaque jour, le chaos gagne un peu plus le Vukland ! …

Dans ce nouveau tome, les pièces du puzzle commencent à se mettre en place. Les connexions se font entre les différentes intrigues et les différents personnages et apportent quelques réponses aux questions soulevées lors des épisodes de la saison 1. Mais bien entendu, d’autres questions et d’autres pistes vont émerger…

Sur Saarok les tensions vont crescendo. Les sabotages des opposants au barrage, les « poor brothers », se multiplient. La police pourchasse les contestataires et les natifs et procède à des arrestations en masse, d’autant plus que la cérémonie de reprise du grand barrage approche avec en arrière-plan les luttes d’influence entre la Chine et de l’Amérique, toutes deux désireuses de profiter des richesses du pays.

Run et Jo, une jeune Vulko qui s’est également emparée d’une kafikadik se réfugient dans la grotte des esprits où une révélation clef les attend…

Le moindre détail, qu’il s’agisse du texte ou de l’image, la moindre scène sert à faire avancer l’histoire. Absolument rien n’est fortuit. Notre showrunner manie avec brio toutes les ficelles de la narration chorale. Intrigues et rebondissements se succèdent à un rythme effréné nous tenant en haleine. L’auteur qui pendant dix ans a œuvré dans le domaine théâtral a fait sien le principe du  fusil de Tchekhov : « Supprimez tout ce qui n’est pas pertinent dans l’histoire. Si dans le premier acte vous dites qu’il y a un fusil accroché au mur, alors il faut absolument qu’un coup de feu soit tiré avec au second ou au troisième acte. S’il n’est pas destiné à être utilisé, il n’a rien à faire là. »

Les personnages

No war n’est pas seulement un thriller. C’est aussi une saga dans laquelle vont s’entremêler les destinées d’une multitude de personnages que l’on pourrait répartir dans 2 mondes : les jeunes au sortir de l’adolescence et les adultes.

Ces personnages complexes, ambigus, non manichéens, au caractère affirmé vont évoluer tout au long des épisodes et peu à peu nous laisser entrevoir leurs motivations.

Du côté des jeunes, il y a Run bien sûr, son ami Kas, Jo et Brook son demi-frère qui vit dans la rue et exerce une énorme influence sur les réseaux sociaux. Petit clin d’œil de l’auteur : Non seulement Brook est un sosie de Basquiat mais ses fresques ressemblent à s’y méprendre à celles de l’artiste.

Du côté des adultes, on trouve d’une part la famille de Run : ses parents Georg et Valka séparés suite à la mort tragique de Luka le frère ainé, son oncle Oruk, policier tribal sur Saarok, son grand-père maternel, sorcier kivit et d’autre part Roka, ancien chef de la sécurité intérieure, père de Jo et de Brook.

Et puis toute une kyrielle de personnages vont graviter autour de ceux-ci : un sniper vengeur et son jeune frère, les « poor brothers », les skins effectuant les basses besognes de Baran, le nouveau chef de la police chargé de rétablir l’ordre, des junkies et d’autres quidams très énigmatiques tels les occupants fantomatiques de la Bunker pool ou encore cette vieille femme mutique que tout le monde nomme la grand-mère … Jo et Brook vont être la passerelle entre ces deux mondes : Ils sont connectés à la fois aux jeunes de la rue et, par leur père à qui ils servent d’agents de renseignement, au pouvoir en place.

No war : une série télévisée

S’il est une série de bande dessinée qui reprend tous les codes des séries télévisées, c’est bien No war. Deux saisons donc, voire une troisième.

Le générique est donné par l’uniformité des covers, le seul élément variant étant le personnage représenté : Run pour l’opus 1, Jo pour le 2, un « poor brother » pour le 3, Brook pour le 4.

On note une légère variation d’un cycle à l’autre par la couleur du titre et la représentation des personnages (en buste pour la saison 1, de plein pied pour la saison 2).

Enfin l’illustration de la 4ème de couverture, semblable sur les 3 premiers tomes, est différente pour le quatrième.

Au début de chaque ouvrage, passée la page de titre, on trouve une carte du Vukland qui, à l’instar du générique de Game of Thrones qui évolue suivant les épisodes sera de plus en plus détaillée.

Suit le « Previously on No war » comprenant un court résumé et dressant la galerie des personnages.

Évidemment, comme dans toute bonne série, chaque épisode s’achève comme il se doit sur un cliffhanger juste avant une page blanche sur laquelle figure simplement « A SUIVRE … »

A noter que pour la saison un on trouvait également un extrait du tome suivant, véritable bande annonce de l’épisode à venir.

A la fin de chaque album , cerise sur le gâteau ou plutôt bonus DVD,un supplément explicatif nous apporte quelques éclaircissements. Pour l’épisode 1, il s’agissait de la cosmogonie des Kiviks et la légende de Kafikadik , pour le 2, d’un reportage d’une journaliste consacré aux manifestations à Numak City, pour le 3, d’une petite histoire du Vukland. (Petit clin d’œil à l’Islande glissé dans cette histoire du Vukland : la statue de Güvendrin, le père fondateur de la nation est la copie conforme à celle du Viking Leif Erikson qui se trouve à Reykjavík.)

Le procédé est reconduit dans la nouvelle saison.

L’auteur

Anthony Pastor a reçu une formation en Arts plastiques et Arts décoratifs puis a travaillé dix ans dans le milieu théâtral (décors, écriture) avant de publier 5 romans graphiques chez Actes Sud l’An 2 dont Ice cream estampillé du label « Attention talent » de la Fnac en 2006 et Castilla Drive, prix du polar SNCF à Angoulême en 2013. Suivront ensuite chez Casterman Le sentier des reines et La vallée du diable qui revêtent tous deux un aspect plus historique et enfin notre série No War.

L’illustration

Changement de saison, changement de graphisme

Ce qui frappe dans ce nouvel opus, c’est l’évolution du graphisme, dessin narratif qui se révèle être une véritable écriture. Minimaliste, souvent en bichromie dans les 3 premiers tomes, il est ici beaucoup plus texturé et détaillé rappelant, à ma grande joie, celui du Sentier des reines et la vallée du Diable, tant par les tons utilisés, plus nuancés que par le trait. Le procédé utilisé nous offre de très belles planches sur les paysages de Saarok, mention spéciale pour la scène de la grotte sacrée. En outre, les visages sont beaucoup plus expressifs.

Ce thriller addictif, récit choral aux multiples intrigues entre en résonance avec les préoccupations et les tensions contemporaines :préservation de l’environnement, mal être de la jeunesse, inégalités sociales, mondialisation, conflits d’intérêt, luttes pour le pouvoir , poussée et activisme de l’extrême droite…
No war est également une réflexion sur la violence, la violence du monde d’une part, notre propre violence, d’autre part. Comment y faire face et la maîtriser ?

Ultime page de chaque ouvrage : Jo nous regarde droit dans les yeux et pointe sur nous un doigt (accusateur ?) tout en concluant : #Wewantyoufornowar.

Et moi, je veux la suite !!!

Chronique de Francine Vanhée

 

©Casterman, 2020, NO WAR, Anthony Pastor.

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