Rencontre au sommet entre le Napoléon du crime et le Tablier De Cuir dans le district londonien. Volume « crossover » de haute volée entre Moriarty et Jack l’Éventreur dans les quartiers pauvres et malfamés de Whitechapel-Angleterre. Sous les scripts et crayons incisifs de Ryosuke Takeuchi et Hikaru Miyoshi du label Dark Kana, laissons-nous embarquer dans une histoire glauquissime et succulente entre les deux grandes figures qui hantaient la fin du dix-neuvième siècle.
Irène Adler n’est plus, nouvelle identité sous le patronyme de James Bond. Elle/il fera désormais partie de l’escadron des trois frères Moriarty. Accompagnant Moran, Porlock et Von Herder, collectif du MI6 qui a toujours pour mission de renverser la haute aristocratie anglaise si chère jusqu’au palais de Buckingham. Ils veulent établir un nouvel ordre sociétal afin de combler le fossé entre les différentes couches sociales.
Pour l’heure, leur combat va les mener à affronter le boucher dans les rues du borough du Royaume-Uni. Funeste mission s’ il en est, car la légende le décrit comme premier tueur en série de l’histoire lui conférant un statut de mythe moderne. Mais si il en était tout autrement ? Et si tout cela cachait une machination plus vaste ?
Le vrai « Ripper » se nomme Jack Renfield, majordome du comte Rockwell. Bienfaiteur et tuteur des frères Moriarty après le tragique incendie (provoqué par ces charmants bambins) qui coûta la vie de leurs parents. Le précepteur est un soldat retraité, grand spécialiste de l’arme blanche et du combat rapproché. La légende des troupes de guerre britanniques demande l’aide de ses anciens disciples pour arrêter le copycat utilisant son charmant sobriquet.
Après enquête, il s’avère que le meurtrier multirécidiviste n’est autre qu’une association de malfaiteurs, dont l’unique objectif est de provoquer un affrontement entre les forces de police et le comité des vigiles (gardiens et habitants) de Whitechapel. Sur le long terme ceci engendrera une révolution prolétarienne en Grande-Bretagne. Une lutte armée entre deux camps anarchistes se prépare et le consultant du crime ne veut pas se faire damer le pion face à un nouvel adversaire invisible. Manœuvres secrètes et déloyales, vernies d’un nappage de complots et parsemées d’intrigues pour un battle royal cadencé. Un merveilleux olla podrida desservi pour une série qui monte sans cesse en flèche en terme de qualité.
Qu’en est-il du grand détective dans tout ça ? Son ami le docteur Watson et lui ne sont pas en reste et vont venir y mettre leur grain de sel en big up…
Ryosuke Takeuchi nous offre une vision à la fois nouvelle et digne d’intérêt sur le monde de Sherlock Holmes. Nous voyons l’univers maintes fois adapté de Sir Conan Doyle sous le prisme d’une perspective originale, insolite et inédite des histoires du limier du 221 B Baker Street mais par le regard de son ennemi juré. Le scénariste réactualise les grandes enquêtes sous un jour nouveau et rafraîchissant pour une lecture calibrée et habile sans omettre le souci du détail concernant ses recherches historiques. Un auteur chevronné et émérite qui fait peau neuve.
Hikaru Miyoshi nous honore d’illustrations classieuses. Alliées à un trait précis, fouillé de manière à bien retranscrire l’atmosphère de l’époque victorienne. Les personnages sont beaux. Au look parfois androgyne, mais ténébreux et charismatiques voire « possédés ». L’élégance s’amalgame parfaitement à la finesse, une combinaison remarquable pour une mise en page raffinée et distinguée à la touche factuelle. Les arrières plans sont peaufinés, la pléiade d’assistants aidant. Mais toujours dans un but de précision afin de capter l’œil du lecteur. Une consommation graphique sans aucune modération, quelle satisfaction!
C’est avec grande impatience que j’attends une résolution grandiloquente qui retient l’attention et enchante l’esprit du « furious reader » et mordu que je suis pour le tome 8.
Chronique de Vincent Lapalus.