Louve T1

Louve (Hitsujikai no Kyōdai en japonais), un manga scénarisé et illustré par Miyako Miiya , aux éditions Rue de Sèvres dans la collection Le Renard Doré.

Le récit suit Ur et Juf, un frère et une sœur bergers, vivant en haut du Mont Gémissant, une région isolée, éloignée des villages humains.

Juf est marquée par une malédiction mystérieuse : son corps n’est pas celui d’une jeune fille ordinaire, mais celui d’une louve majestueuse et redoutable. Cette apparence hors du commun, à la fois fascinante et inquiétante, la condamne à l’isolement. Avec son frère Ur, elle s’est réfugiée loin des hommes, dans la quiétude rude du Mont Gémissant, afin d’échapper à la peur, à la méfiance ou même à la violence que pourrait susciter leur différence. Leur existence se construit donc dans une marginalité contrainte, entre protection fraternelle et solitude forcée.

Le premier tome ne s’organise pas comme une grande quête héroïque traditionnelle. Il adopte au contraire une structure en épisodes, une succession de rencontres qui viennent rythmer le quotidien pastoral des deux protagonistes. Ces épisodes sont autant de miroirs : chaque visiteur, qu’il s’agisse d’un humain ou d’un animal, révèle un aspect différent de leur condition. Certains se montrent effrayés, prisonniers de leurs préjugés ; d’autres, au contraire, font preuve de bienveillance et de curiosité. À travers ces contrastes, le lecteur découvre peu à peu la profondeur de la relation entre Ur et Juf, la douceur enfouie derrière l’allure sauvage de la jeune louve, ainsi que le poids du regard des autres sur « l’altérité ». Ce tissu de petites histoires compose une fable sensible sur la peur de la différence, l’acceptation et la solidarité.

L’univers de Louve se déploie dans un décor montagneux rendu avec beaucoup de justesse : paysages escarpés, brouillards épais et ravins vertigineux accentuent la rudesse de l’environnement et contribuent au sentiment de solitude et de mystère qui entoure Ur et Juf.

Les personnages, quant à eux, se distinguent par des visages ronds et expressifs, capables de traduire une large palette d’émotions. Malgré son apparence de louve massive et impressionnante, Juf laisse transparaître une sensibilité touchante, et le contraste entre sa puissance extérieure et sa délicatesse intérieure est mis en valeur avec subtilité. Ur, plus sobre dans ses traits, apparaît comme une figure protectrice et attachante, pilier de leur duo.

La narration adopte un rythme contemplatif : plutôt que de s’appuyer sur des rebondissements spectaculaires, le récit progresse par petites touches, au fil de rencontres et d’épisodes qui composent un tableau intimiste. Cette atmosphère se nourrit d’un savant équilibre entre douceur et mystère, tendresse et menace, parfois traversée de moments de danger, comme lors des confrontations avec un chasseur ou des villageois hostiles. Quelques notes d’humour viennent alléger cette tonalité, notamment à travers les échanges entre personnages ou grâce à des figures secondaires comme Tétée, la vieille chienne gardienne du troupeau, qui apporte chaleur et complicité au récit.

J’ai trouvé l’œuvre à la fois belle, intense et captivante, même si l’intrigue reste assez simple. Elle m’a suffisamment touché pour que j’attende la suite avec impatience.

Chronique de Camille Rappeneau.


© Rue de Sèvres, 2025.

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