Soà Le silence de mes cris

Soà, c’est Soazig Quémeneur…

Et le silence de ses cris, ce sont des mots bloqués dans sa gorge, un souffle figé dans ses poumons…

Le récit débute à la fin du XIX ème siècle dans l’archipel imaginaire des Solines, au large du Finistère ; on y vit âprement du ramassage et du commerce du bézin, autrement dit le goémon. Soà est une fillette douce et enjouée, rapidement repérée par le curé pour sa vivacité d’esprit et sa capacité à apprendre malgré son handicap. En effet, à la suite d’un épisode fiévreux intense dans sa prime enfance, elle a perdu l’ouïe et n’a pas développé la parole mais elle a appris à lire et à écrire…

C’est dans son histoire familiale et surtout sur son chemin de vie que l’auteur, Gérard Cousseau, embarque le lecteur avec un souci manifeste de crédibilité. A noter en fin d’ouvrage un cahier documentaire de quelques pages illustrant le travail de recherche de l’auteur pour installer son récit. On suit Soà sur le continent où elle intègre une pension tenue par des religieuses et où elle apprend la langue des signes… elle y découvre aussi la perfidie humaine, l’agressivité gratuite et la valeur de l’amitié en se liant à une enfant trisomique et à sa famille. On la retrouve adolescente perçant le mystère de sa surdité, bénéficiant d’une bourse d’étude et diplômée en psychologie, puis adulte, engagée dans des combats bien plus grand qu’elle, infirmière dans les tranchées de 14-18, résistante en 39-45, déportée… On voit vieillir ses parents, son amour de jeunesse, on la suit à son mariage, on vit au rythme de ses courriers atteignant l’île isolée et puis soudain tout va très vite et c’est la fin de l’album… J’avoue que j’aurais apprécié des développements supplémentaires sur sa vie d’adulte ! Vraiment un goût de trop peu !

Le rendu graphique est saisissant. Le trait d’Abdessalam Mouataqid est réaliste avec une pointe de manga glissée dans les grands yeux des personnages. La palette de couleurs est douce et donne la sensation que les vignettes sont aquarellées. L’ensemble dégage une grande harmonie.

Cet ouvrage, édité chez Grand Angle, aborde avec cohérence et pertinence des thèmes universels : défense des minorités, qu’elles soient constituées de femmes, de personnes handicapées, d’une ethnie, lutte contre les mutilations sexuelles rituelles, combat des suffragettes… mais également des thèmes qui relèvent de l’intime : relations intrafamiliales, quête et acceptation de soi, résilience… Difficile d’en dire plus sans dévoiler les bonheurs et les drames de cette femme inventée.

J’ai beau savoir que « Soà » est une biographie fictive, j’aurais bien aimé qu’elle existe, j’aurais bien aimé la rencontrer… N’hésitez surtout pas à faire sa connaissance au détour de cette très chouette bande dessinée…

Chronique de Louna Angèle.


© Grand Angle, 2025.

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  1. Avatar de Bibliofeel Bibliofeel dit :

    Une chouette chronique qui m’amène à m’intéresser à cette BD. Les planches présentées n’ont pratiquement pas de texte ? D’où provient cette richesse narrative ?

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