The One Hand & The Six Fingers

Le duo Ram VDan Watters récidive avec un polar d’anticipation, il est épaulé par Laurence Campbell, Sumit Kumar au dessin et Lee Loughridge pour la colorisation. The One Hand & The Six Fingers aux éditions Urban Comics suit simultanément la trajectoire voire la descente aux enfers d’un flic déshumanisé et d’un monstre en pleine éclosion, une spirale infernale se profile à l’horizon.

2873, Neo Novena. Ari Nassar est inspecteur à la crim’ et à la veille d’une retraite bien méritée. D’ici 24h, ce vieux loup blanc aura le temps de ruminer sereinement en solo dans son appart’ miteux, de papoter avec sa psy et d’organiser des «dates» en compagnie de sa péripatéticienne cybernétique préférée.

C’est dans ce cadre que le légendaire tueur à la main réapparaît. Ce dossier épineux fait tâche sur les états de service de Nassar. 32 victimes sans lien apparent, deux suspects déjà incarcérés et jetés en prison à perpétuité. Tout porte à croire qu’un nouveau disciple sème la terreur en ville. Ce Michel-Ange de l’homicide plie les cadavres comme des crêpes, inscrit des sigles incompréhensibles sur les murs puis laisse une empreinte palmaire en guise de signature.

Mais comment trois assassins distincts peuvent-ils utiliser un modus operandi identique ? Le dernier en date posséderait une particularité génétique, celle d’avoir six doigts à la mimine droite.

Johannes Vale est un doctorant en archéologie espérant trouver un financement pour son projet de voyage d’étude. Son tempérament amalgame fougue juvénile et trouble explosif intermittent.

Pour arrondir ses fins de mois, Johannes bosse à la centrale. Ses tours de garde se résument à patauger dans de la matière hautement toxique et déboucher des évacuations de jus radioactif. Il souffre d’une mutation causée par une exposition prolongée à la substance. La sienne est plutôt discrète, un sixième auriculaire pousse miraculeusement.

Johannes se retrouve en position de dégringolade psychologique depuis une récente séparation amoureuse. Cette existence de merde lui sort par les yeux et risque de le pousser à commettre l’irréparable. Un dingue est sur le point d’être lâché en pleine nature au milieu des mégastructures.

Ce suspense futuriste imaginé par Ram V et Dan Watters opère un excellent démarrage. Les auteurs intègrent l’effet miroir des différents points de vue des deux personnages centraux ainsi qu’une caractérisation pointue par le biais des cases de pensées. L’intrigue transpire de noirceur et de violence, elle dégage une certaine émotion et baigne dans une atmosphère un brin paranoïaque puisque la dualité envahit peu à peu le récit. Qui rédige quelle partie, on ne le sait pas. Néanmoins, la technique d’écriture en tandem permet aux scénaristes de rebondir chacun sur les idées de l’autre. The One Hand & The Six Fingers est un régal pour les amateurs immodérés de séries policières.

Laurence Campbell favorise une mise en scène classique et cinématographique tandis que son comparse Sumit Kumar opte pour une composition expressive et cartoony. Le premier utilise un découpage à l’ancienne rehaussé d’un encrage sombre lorgnant vers un éclairage expressionniste. Le deuxième penche pour un trait plutôt léger. L’encre de chine joue la carte de la finesse, le séquençage se croque avec dynamisme. Lee Loughridge applique des couleurs informatiques qui s’accordent très bien aux styles disparates. Il use à loisir de nuances nettes, de tons diffus et d’une luminosité faible pour accentuer l’ambiance crépusculaire de la narration. Le style visuel est comme le crime, il frôle la perfection.

À noter qu’Urban Comics se démène pour offrir une large gamme de collections diverses, l’éditeur se donne les moyens de remettre le comic-book sur les rails de la win.

The One Hand & The Six Fingers revient à un aspect populaire de la bande dessinée au format kiosque de Janvier jusqu’à Mai 2025. Le lecteur plonge la tête dans le caniveau, la suite au prochain numéro.

Chronique de Vincent Lapalus.


© Urban Comics, 2024.

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