Quand j’aperçois sur une couverture le nom Javi Rey , je sais à coup sûr que ça va me plaire. S’il est né à Bruxelles, ses origines Espagnoles sont au cœur de quelques-unes de ses histoires : Adelante, Intempérie et aujourd’hui chez Dargaud On l’appelait Bebeto. Il est parfois seul aux commandes et d’autres fois, accompagné d’un scénariste. Les récits sont rudes, poignants et parlent d’humains aux caractéristiques éloquentes et aux vies animées. Aucun de ses titres ne peut laisser indifférent. Ma première chronique pour lui fut consacrée à « Un maillot pour l’Algérie« , suivront « Intempérie » et « Un ennemi du peuple« . Toutes les trois sont parues aux Éditions Dupuis. Vous connaissez certainement l’expression « Jamais deux sans trois », comme je n’aime pas ce qui est convenu, je vais continuer sur ma lancée.
Il fut une époque, où les enfants après l’école et lors des vacances, se rejoignaient sur le terrain vague pour discuter ou taper la balle. Ils savaient tout de leurs copains. Le nom et prénom des parents ou le métier que faisaient ces derniers. Ils avaient de l’intérêt pour les autres, ils se connaissaient tout simplement. De nos jours, les yeux rivés sur les écrans, ils ignorent complètement ces informations.
Carlos réside dans un quartier de Sant Père à une 50aine de kilomètres de la frontière française et à moins de 150 kilomètres de Barcelone. Petit homme vif d’esprit, il habite avec sa famille et sa mémé qui perd un peu la boule et qui passe son temps devant la TV à suivre la Vuelta. Comme ils ne partent pas lors des grandes vacances, Carlos s’amuse avec ses camarades dans la cour intérieure du lotissement. Ce qu’ils préfèrent, ce sont les « triangulaires » Deux équipes de cinq joueurs s’affrontent et une troisième attend son tour. Un jour, il manque un joueur. Les gosses proposent à Bebeto de les rejoindre. Le garçon n’est pas vraiment accepté dans l’agglomération. Ils le surnomment tous Bebeto et ce n’est pas parce qu’il est bon footballeur comme son homonyme Brésilien. Non, c’est comme ça, est tout le monde s’en fout ! Plus âgé qu’eux, un peu « gros », une mère qu’on prétend « folle », il est évident que tout ça ne l’aide pas. Carlitos va se prendre d’affection pour l’ado et changer son regard sur la vie.
Pas commode cette période de l’adolescence pour les garçons (pour les filles également, mais ce n’est pas le propos ici…). Le corps change, le regard qu’ils portent sur les filles aussi et leurs émotions sont en dents de scie. Cette jeunesse ibérique en plein éveil, va se retrouver fortement chahutée.
Javi Rey nous conte avec finesse cette juvénilité désabusée qui essaye maladroitement d’être des « grands ». Ils déambulent sur une corde raide entre l’enfance et l’âge adulte. Passant de l’état d’ange à celle de petite frappe. Ils se bagarrent, se réconcilient, s’aiment et se détestent. Acquérir un équilibre dans tout ça prend du temps et panser ses blessures, n’est pas toujours aisé. Carlos, cet été là, va apprendre à ses dépens que pour grandir, il faut prendre des coups et guérir de l’absence de ce frère qui est parti trop top et qui n’est plus à côté de lui pour l’épauler.
L’artiste a un coup de crayon velouté et réaliste. Les personnages sont expressifs et l’on discerne les humeurs de chacun au premier coup d’œil. Les années 90 sont dépeintes à la perfection. Même si j’ai grandi en Suisse, loin de la mer, mais au bord du plus beau lac de mon pays, je me suis totalement retrouvée dans les décors qu’il a représentés, ainsi que dans les particularités vestimentaires de l’époque.
« Summer time is over » et pourquoi pas le prolonger un court instant avec Carlos, Bebeto et leurs amis…
Chronique de Nathalie Bétrix
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