ONCE UPON A TIME AT THE END OF THE WORLD T1

Jason Aaron détient un joli palmarès à son actif. Je souhaite m’occuper de son cas depuis un bout de temps, il me suffisait d’être patient. Grâce à la sortie de Once Upon A Time At The End Of The World T1 aux éditions Urban Comics, l’occasion m’est donnée d’épingler le boss du badass à mon tableau de chasse.

Dans un futur relativement proche, la planète se barre en couille. L’eau est devenue radioactive, la pluie est acide, la faune animalière a muté, le continent de déchets plastiques s’est déversé sur le globe et les rations alimentaires se font rares. En bref, l’humanité est coincée sur un enfer terrestre.

Ezmerelda est piégée devant l’entrée d’un immeuble, elle se fighte avec un poulpe féroce. C’est le bordel. Mais qu’importe, «Mezzy» n’a qu’à suivre les préceptes du Guide des rangers de la friche pour s’en sortir. Pourtant, les portes du bâtiment lui seront grandes ouvertes afin qu’elle se mette à l’abri.

Macéo l’attend à l’intérieur. C’est un hurluberlu de son âge qui vit dans le monde des bisounours. Il est complètement à côté de ses pompes. «Mace» possède de la victuaille en pagaille et le confort complet sans avoir à poser un pied à l’extérieur.

Suite à des pourparlers, Ezmerelda récupère de la nourriture et trace sa route. Piqué par la curiosité, Macéo prépare son paquetage. Il part bille en tête direction plein nord en suivant les pas de sa ravissante sauvageonne.

Seulement voilà, le duo est dépareillé. Mezzy a été élevé à la dure dans un camp militaire et sait évoluer en milieu hostile. Elle pratique couramment la chasse, se nourrit de ce qui lui tombe sous la main et se confectionne des couettes en peau de rats quand les longues nuits d’hiver sont fraîches. Macéo est un Géo Trouvetou maladroit, il s’alimente exclusivement de barres chocolatées et ne connait absolument rien aux joies du danger quotidien. Est-il mieux d’être accompagné ou de voyager seul ?

L’aventure peut se révéler marrante avec ce tandem de choc. Seulement, y survivront-ils ?

Jason Aaron a dit : «J’aime aussi rédiger des street level stories, des histoires qui prennent l’homme de la rue à témoin…avec non seulement de l’action mais aussi du sexe, de la violence, des émotions, des choses que l’on voit dans la vraie vie». Autant être cash, Once Upon A Time At The End Of The World est riche en complexité. La série bénéficie d’un onctueux mélange de genres, elle joue à fond la carte de la romance apocalyptique. L’auteur est réputé pour son écriture tirée au cordeau et impose une vision pessimiste en plus d’être un excellent dialoguiste. Il ne ménage pas ses personnages. Nos teenagers grandissent, murissent au sein d’un univers sombre et tordu. L’association des deux héros brille par ses exploits, la tragi-comédie contrebalance la noirceur du récit. Un scénariste de ce calibre rédige à l’instinct, il ressent les choses et se laisse guider par la narration. Jason Aaron possède la capacité de retourner l’action comme une crêpe et pratique couramment le cliffhanger inattendu grâce à son regard incisif.

Le montpelliérain Alexandre Tefenkgi et l’américain Lou Loughridge optent pour un graphisme diamétralement opposé à cette fiction chaotique. Ils sont épaulés par Nick Dragotta et Rico Renzi sur quelques planches lors des séquences de flashforwards explosifs. L’artiste français favorise un dessin semi-réaliste, le style lui permet de s’amuser avec le trait pour modifier les proportions des visages et des corps. À la différence, ses décors reflètent le plus fidèlement possible la réalité. La mise en page est onctueuse, les grandes vignettes débordent en occupant bien l’espace. Le découpage est pondéré, Tefenkgi ne se prive pas pour autant de croquer des scènes choquantes d’une rare brutalité. L’encrage respire la frugalité, le passage au noir s’éloigne de tout excès et se pose avec pondération. Lou Loughridge apporte de l’énergie et de la vie aux planches. Les tons voguent sur le crayonné avec dynamisme, ils se diffusent sur le papier à l’aide de différents parfums pigmentés. Le travail de la lumière accompagné de la texture berce les cases avec sensibilité, la colorisation s’applique de manière distincte et douce. Tefenkgi et Loughridge fournissent un travail extraordinaire, ils forment une équipe artistique chevronnée qui fait le job.

Cette nouvelle parution d’Urban Comics me ramène à un pan de lectures intenses que m’ont procuré De L’Autre Côté, Scalped, Men Of Wrath, The Goddamned, Southern Bastards ou PunisherMax. Le Déluge made in Jason Aaron en a dans le froc!

Chronique de Vincent Lapalus.

© Urban Comics, 2024.

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