A VICIOUS CIRCLE T2

Le monde mérite-t-il vraiment que l’on se batte à ce point ? Mattson Tomlin allié à Lee Bermejo maintient la pression avec la sortie du deuxième volume de A Vicious Circle aux éditions Urban Comics. Cette suite techno-existentielle est soutenue par un dessin toujours aussi luxueux.

Shawn Thacker ainsi que son ennemi Ferris sont sans cesse frappés de leur étrange malédiction dès que l’un d’eux tue une personne. Leur dernier ricochet spatio-temporel les a propulsés à l’ère du Jurassique. Ils sont séparés dès leur «parachutage», il n’y a pas âme qui vive à des kilomètres à la ronde. À cette période, l’écosystème est hostile. Nos deux antagonistes ne sont pas à l’abri de finir sous les griffes d’un vélociraptor ou de succomber à la morsure d’une araignée géante.

Il devient urgent pour Shawn de trouver un refuge sûr et d’analyser la situation. Jusqu’alors, son but était de venger le massacre de sa famille. Après réflexion, le doute s’installe. Thacker a la désagréable sensation d’avoir peut-être œuvré pour le mauvais camp. Et si depuis le début, ses employeurs ne souhaitaient pas détruire la machine de mort mais s’en emparer ?

Sa Némésis et lui ont causé assez de dégâts à la timeline de l’évolution. Comment sortir de cette débâcle lorsque l’on atterrit à un âge où l’homme n’est pas encore apparu ? Deux choix s’offrent à Shawn. Soit il se lance dans un combat impitoyable soit il devra pactiser avec le diable pour trouver une solution et regagner une époque civilisée. C’est le grand dilemme !

Mattson Tomlin s’amuse avec nos nerfs en exploitant un angle scénaristique plutôt inattendu, il met son héros principal en danger. Ses personnages souffrent et sont confrontés aux pires difficultés, l’auteur n’hésite pas une seconde à introduire une problématique inextricable pour entretenir un suspense oppressant. Le récit d’anticipation SF vire au cauchemar survivaliste. Tomlin développe les enjeux en tenant le lecteur en haleine. Cet opus soulève des ramifications inédites afin d’agrémenter l’histoire de mystères supplémentaires. Le procédé permet de conserver un climat de tension, l’intrigue gagne autant sur le plan émotionnel qu’en action. Le cliffhanger en fin de volume entretient les ressorts dramatiques, ça va fort et vite. Les dialogues se mettent au diapason, pas de superflu ou de bulles surchargées. La narration concilie la quête de l’individu à une violence manifeste, elle joue avec le temps et l’urgence du récit. La lecture séduit par sa lisibilité et sa complexité.

L’art séquentiel de Lee Bermejo est indubitablement monumental. Sa mise en scène se déploie avec hégémonie et ne souffre d’aucune faiblesse, tout y est parfait. Bermejo rend justice au scénario grâce à ses prouesses graphiques. L’illustration s’abandonne avec maestria au trait réaliste sans omettre les effets photogéniques que la tablette numérique offre à l’image. Les styles employés sont composites et opulents. A l’intérieur d’une même planche, les lavis de gris côtoient un crayonné de bande dessinée traditionnel. On décèle les influences évidentes de Mike Mignola ainsi que Bryan Hitch à travers les passages de Seconde Guerre Mondiale ou super-héroïques. Le découpage se déroule comme sur pellicule et de manière cinématographique. Lee Bermejo adapte son encrage aux besoins. Il peut être à la fois raffiné comme dense, sa gestion du clair-obscur charme le regard. Pour la colorisation, les nuances grisâtres s’associent aux tons léchés voire racés. Les diverses pigmentations appliquées prodiguent un éclairage exceptionnel, elles reflètent des couleurs harmonieuses et changeantes. L’artiste produit un design sophistiqué, il monte d’un cran au niveau du talent. A Vicious Circle se révèle encore plus éblouissant que ses projets précédents.

En conclusion messieurs Tomlin et Bermejo, j’attends de vous que le grand final de ce thriller soit vraiment à la hauteur. Don’t disappoint me, guys !

Chronique de Vincent Lapalus.

© Urban Comics, 2024.

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