LA ROUTE

J’ai lu le roman et j’ai visionné le film, ils m’ont laissé une forte impression. Pourtant, depuis que j’ai eu la chance de lire en avant-première l’adaptation de La route de Manu Larcenet, aux éditions Dargaud, je crains fort que le livre original de Cormac MaCarthy ainsi que la production cinématographique du réalisateur John Hilcoat, n’aient été éclipsés !

On s’imagine parfois détenir LA bande dessinée. Celle qui nous fait clamer haut et fort que nous avons découvert LE titre le plus fabuleux du monde. Après avoir lu plusieurs BD de l’auteur aux éditions Fluide Glacial, à caractère humoristique, arrive en 2002 le tome 1 de la série Le retour à la terre. Il dépeint un couple de citadins qui choisit de se mettre au vert. Pas facile de s’acclimater à cette nouvelle vie. Leurs périples sont présentés sous forme d’historiettes de quelques cases souvent légères et drôles. En parallèle, il commence à réaliser la quadrilogie Le combat ordinaire. Le héros, Marco, prend l’initiative de tout lâcher et de partir vivre à la campagne. Si on peut y détecter une similitude, la deuxième est clairement développée sur un ton plus grave. Manu Larcenet est prolifique et nous offre des créations aux contenus et aux formats variés. Expérimentales par moment, d’un graphisme différent et où l’on décèle ses états d’âme. Début novembre 2009, débarque en librairie le premier volume de Blast. Libraires et lecteurs se prennent une claque monumentale. On prend conscience d’un énorme tournant créatif. Larcenet nous présente un album d’une envergure impressionnante, autant par la corpulence « colossale » de son héros, Polza Mancini, que par son dessin tout en rondeur et principalement exécuté en noir et blanc. Cette caractéristique nous allons la retrouver dans le diptyque adapté du roman de Philippe Claudel, Le rapport Brodeck, des ouvrages sous étuis d’un format « à l’italienne », dont les couvertures arborent de très jolies figures géométriques florales. Elles gratifient l’ensemble d’une élégance indiscutable. Le noir est plus soutenu, les lignes plus épaisses, comparables à de la gravure sur bois. Les paysages diffusent un éclat parfois glacial qui nous refroidit. A cet instant on se dit que l’artiste ne pourra jamais nous proposer une œuvre plus aboutie. C’est mal connaître Larcenet…

Je récapitule : Il y a eu Blast, Le rapport Brodeck et enfin LA ROUTE ! Je suis restée scotchée par cette interprétation. Impossible d’en décoller les rétines. Tout le contenu m’a prise aux tripes et en arrivant à la dernière page, je me suis fait cette réflexion « cette fois c’est sûr, il ne pourra pas faire plus fort ou plus beau ? ». Sincèrement, il ne se passe pas grand-chose dans cette histoire. Elle est lente et l’action émane principalement des dialogues entre le père et son fils et des descriptions apocalyptiques des régions qu’ils traversent. Pourront-ils survivre cernés d’êtres humains malveillants qui en viennent à se bouffer les uns les autres ? Cela nous mène simplement à une fin du monde programmée.

Manu Larcenet, interprète les ambiances sordides d’un trait remarquable où l’on perçoit, peut-être, l’influence de grands maîtres graveurs tels que : Gustave Doré, Albrecht Dürer, Théophile Alexandre Steinlen ou encore Rembrandt. Il est juste inconcevable que l’on puisse survoler les deux parutions, dont l’une est en couleur et l’autre en noir et blanc dos toilé. En outre, je préfère prévenir, toutes les personnes qui y plongeront n’en ressortiront qu’avec difficultés…

Voilà pourquoi, je vous conseille de vous mettre dès à présent en chemin, afin d’être en temps et en heure devant l’entrée de votre boutique préférée, le 29 mars 2024. Si vous ne le faites pas, je prédis que vous serez un lecteur déçu et malheureux. Pour ma part il est hors de question que je manque cet événement, il est même déjà prévu que je reparte avec les deux !

Chronique de Nathalie Bétrix

© Dargaud, 2024.

2 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. La puissance de ce roman graphique est à la mesure de celle du livre de Cormac McCarthy, et ce n’est pas peu dire !

    J’aime

Répondre à Ceciloule - Pamolico Annuler la réponse.