Notre famille dysfonctionnelle préférée continue ses mésaventures sur fond de conflits cosmiques et de malchance avec la sortie de Saga T11. Pourquoi faut-il lire ce titre des éditions Urban Comics ? Parce qu’avec Brian K. Vaughan et Fiona Staples : «Ça envoie !», «C’est génial !», «Ça déchire !» et «C’est trop fort !».
Alana, Hazel et Ecuyer ont perdu leur arbre-maison-fusée dans un tragique incendie. Manque de bol, la planète sur laquelle ils sont piégés est le théâtre d’un nouveau conflit entre les pros Continent et Couronne. La situation n’évolue guère entre les têtes de con…cornes et les porteurs d’ailettes, fuir s’avère clairement difficile.
Alana et ses enfants logent dans une tente comme des clodos à même la rue. La maman a abandonné sa carrière de contrebandière au profit d’une existence de SDF bien rangée. Elle se tue à la tâche comme préparatrice de commandes aux établissements Plénitude tandis qu’Hazel et son frérobot occupent leurs journées à faire la manche. Renflouer sa trésorerie afin de pouvoir se payer de faux papiers reste son unique espoir. C’est compliqué lorsqu’une partie importante de son maigre salaire passe dans des filtres magiques de dissimulation. Eh oui, notre trio reste toujours activement recherché.
Alana pèse le pour et le contre, les gamins ont grandi. Plus le choix, ils devront participer aux frais de l’abri mobile et aux activités de la famille quitte à se dénicher un job d’été si nécessaire. Sur une planète bleue, des gosses confectionnent bien des paires de baskets revendues à prix d’or. Pourquoi pas les siens ? Les difficultés de la vie percutent la dure réalité pour la survie.
A l’autre bout de la galaxie, l’agent Grave n’a toujours pas renoncé à les traquer. Gwendolyn Vez s’allie au chasseur de primes le Testament, ils forniquent et fomentent des plans machiavéliques. C’est mal barré pour Alanna et sa clique.
Brian K. Vaughan’s est un passionné du genre humain, il exploite adroitement la relation entre les sexes et développe un casting conséquent. L’auteur étend son paracosme personnel peuplé d’ êtres, de créatures et d’animaux fabuleux. On s’attache fatalement à nos héro(ïne)s . Il propose un épisode humainement épique à l’amplitude démesurée en donnant du cœur à son intrigue, le ton est subversif parfois à mourir de rire. L’humour de situation et les moments burlesques pullulent, les dialogues «épicés» découlent instinctivement. Saga marque par sa fraîcheur et recèle autant de mystère que de dangers, la narration joue à fond la carte émotionnelle. L’esprit de BKV vagabonde et nous transporte à l’intérieur d’une histoire à la fois riche et complexe, le scénariste aborde un nombre incroyable de thématiques auxquelles il brasse des sujets sociétaux sous-jacents. Il mêle le fantastique à la précarité économique, le récit de guerre y côtoie la perte cruelle et la Science-fiction examine la vulnérabilité humaine. Son superpouvoir du stylo hisse les séquences de l’ordinaire au rang d’événements extraordinaires et pousse à réfléchir.
Fiona Staples réalise l’intégralité du dessin jusqu’à la colorisation afin de rendre sa copie en temps et en heure. Le style analogique se complète par l’accessoire numérique, sa composition est superbe. Notre virtuose de la tablette Cintiq prouve une fois de plus qu’elle est à l’aise dans n’importe quel domaine touchant de près ou de loin à l’art de l’illustration que ce soit en matière de design, décor et découpage. Les personnages se croquent de manière photo-réaliste, les arrière-plans sont originaux et expressifs. Le crayonné et l’encrage se posent sur les planches de façon charnelle, naturelle et organique. Le gaufrier se déploie avec clarté, l’artiste emploie une palette de couleurs époustouflante. Sous son stylet, la nuance devient envoûtante limite sensuelle. L’imagination graphique de Fiona Staples est sans limite et se veut dynamique. Elle s’accompagne d’une interprétation juste irréelle, complètement dingue et furieusement poétique.
Ce best-seller de Space fantasy estampillé Brian K. Vaughan et Fiona Staples allie la magie des mots à celle de l’image. Notre tandem de trublions créatifs signe un nouveau volume coup de foudre aux éditions Urban Comics que je ne saurais trop vous recommander.
Chronique de Vincent Lapalus.


©Urban Comics, 2023.