LE SAC A MALICES

Il y a des fois tu refermes un bouquin, t’as encore des frissons ou l’œil humide… d’autres fois, c’est une grimace, un sourcil circonflexe ou un ébahissement… parfois un état semi-végétatif, un coup de poing au bide ou une hyper activité cérébrale avec des envies de boucler une valise, de devenir astronaute ou duchesse, de courir à la médiathèque emprunter le tome suivant ou d’écrire à tes comparses de lecture ce que tu viens de ressentir…

Si j’écris aujourd’hui sur  Le sac à malices, c’est parce que j’ai ressenti un p’tit soleil dans l’intérieur en le refermant, qui est monté jusqu’à mes lèvres pour s’épanouir en léger sourire. Ce « sac à malices » fait du bien et son sous-titre en dit déjà long sur son contenu : immersion au cœur d’une épicerie solidaire, espace de vie sociale. Ce « sac à malices » est l’œuvre de Thibaut Lambert aux éditions Des ronds dans l’O. Ce « sac à malices » est avant tout une histoire de dignité, de rencontres et d’entraide.

À l’aquarelle principalement et au crayon de couleur parfois pour plus de lisibilité (différencier une histoire racontée dans l’histoire principale), Thibaut Lambert offre un ensemble de portraits réels de celles et ceux qui fréquentent le SAM (Sac A Malices) ; ceux qui y travaillent, ceux qui en ont besoin, ceux qui y œuvrent bénévolement, ceux qui « rendent » ce qu’ils ont reçu à un moment difficile de leurs vies… Histoire de réciprocité et de mains tendues… La mise en page est classique, linéaire, aisée à suivre avec des planches de cases rectangulaires ou de pleines pages limpides et des phylactères blancs ou colorés (pour faciliter la compréhension, une couleur pour un locuteur). La palette de couleurs est vive, gaie sans être agressive, les éléments historiques (qui expliquent l’installation de la précarité là où se trouve le SAM) racontés en sépia ; on reconnait la vie de tous les jours, les gens tels qu’ils sont… De savants jeux d’ombres donnent aux silhouettes de l’épaisseur, aux expressions du visage de la sincérité. Ce qui m’a le plus touchée est cette bienveillance que l’on respire à lire les parcours croisés proposés par l’auteur : ce n’est pas facile, on y rencontre des histoires lourdes, des chemins de vie tortueux mais le sourire perdure, même quand Sylvie l’assistante sociale craque dans sa voiture, même quand la barrière de la langue plombe les échanges, même quand le SAM dépend des promesses politiques, même quand on constate que le monde n’est pas spécialement joli…

Ce reportage dessiné sur une petite structure à vocation d’aide et d’ouverture n’a pas été sans me rappeler une autre production en forme de reportage de cet auteur,  La Bigaille, histoire d’une utopie culturelle collective , qui traitait, elle, de la création d’une structure dédiée à l’ouverture culturelle dans un coin de campagne isolé (vous pouvez en retrouver la chronique sur la page de l’Accro des Bulles également). Le SAM existe, il se trouve au milieu des tours et des barres d’immeubles de Saint Pierre des Corps, près de Tours. Les bénéficiaires peuvent y faire leurs courses en payant 10% des prix du marché (grâce aux « ramasses » de produits en dates courtes effectuées par les bénévoles dans la grande surface du coin), y apprendre à être plus autonome (comme apprendre à y faire du vélo pour les adultes) ou simplement y parler… Le SAM n’est pas un espace idyllique, l’idéal serait qu’il n’ait pas à exister mais les forces en présence ne laissent pas tellement le choix… alors rappeler, comme le fait le scénariste et dessinateur, qu’il existe des lieux qui font lien ne me semble vraiment pas superflu. Dans son « sac à malices », Thibaut Lambert a peint des regards éloquents emplis de compréhension, des sourires qui, en un seul trait, invitent à entrer et surtout, surtout, beaucoup d’humanité…

Par les temps qui courent, j’ai juste envie de lui dire merci…

(Une mention spéciale pour la dernière planche de cet album qui ravira les Tourangeaux comme moi… la Loire, le pont Wilson et l’improbable toit vert de la bibliothèque municipale ! 😊)

Chronique de Louna Angèle.

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  1. Bibliofeel dit :

    Merci pour cette belle présentation. Étant tourangeau je suis intéressé par cette dernière page mais pas seulement, le travail de cette association est à découvrir et à faire connaître. En plus les dessins semblent à la hauteur, ce qui n’est pas toujours le cas dans ce type de publication…

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