ROSA PARKS

« Alors la loi doit changer », Rosa Parks, Alabama, 1er décembre 1955

Parce que j’aime quand la Bande Dessinée, en plus d’être un objet esthétique et plaisant à parcourir, est vectrice de valeurs fortes ; parce que la grande Histoire est bien souvent contenue dans les petites histoires, qu’il est important de les connaître et de les transmettre ; parce que nous ne sommes pas seulement la somme de nos individualités ; parce que parfois quelqu’un sort du lot et s’illustre, parce qu’il y a des noms qui restent gravés dans la mémoire ; parce qu’il est essentiel de ne pas oublier les luttes qui améliorent la condition de chacun ; parce que les piqûres de rappels historiques ne sont jamais inutiles, parce qu’il y a toujours à apprendre et à se souvenir… Les bonnes raisons ne manquent pas pour évoquer le destin de Rosa Parks.

D’elle, on ne connait bien souvent que l’ « épisode du bus » que l’on raccroche vaguement à une rébellion pour l’égalité des droits aux Etats Unis quelque part au siècle dernier… Alors que la loi dictait aux personnes noires de céder leurs places à l’avant du bus aux personnes blanches, Rosa Parks, après s’être pliée des années à la règle, a refusé de se lever.

De nombreux ouvrages ont fleuri dernièrement la concernant et sous de nombreuses formes, à destination des petits et des grands… Ce nouvel opus, estampillé Des ronds dans l’O, n’est pas une énième biographie plus ou moins illustrée mais une histoire à part entière où passé et présent s’imbriquent pour donner sens à la réalité du monde d’aujourd’hui.

Ici, c’est l’actualité tristement récente qui sert de point de départ à l’évocation du pan d’Histoire dans lequel s’est illustrée Rosa Parks : un jeune homme monte dans un tacot jaune, portant un T-Shirt sur lequel sont inscrits ces mots terribles « I can’t breathe » (littéralement « je ne peux plus respirer »), et qui en ignore le sens ; un chauffeur de taxi qui profitera de sa course, ralentie par les bouchons new-yorkais, pour raconter l’assassinat d’Eric Garner, plaqué au sol et étranglé, le mouvement Black Lives Matter, et remonter à l’émergence des mouvements pour l’égalité des droits. Il puise dans ses souvenirs et fait revivre la communauté de Montgomery, Alabama, à l’hiver 1955. Le scénario, fort documenté, de Mariapaola Pesce nous plonge dans la réalité des discriminations raciales, des lois Jim Crow, et c’est tout le parcours mesuré d’actions pensées, canalisées qui a permis l’abolition des lois ségrégationnistes qui est mis au jour. Sous le pinceau habile de Matteo Mancini se croisent Martin Luther King, Raymond et Rosa Parks, Clifford Durr et tant d’autres, anonymes, sans lesquels rien n’aurait évolué. Il est question de détermination pacifique malgré un contexte explosif, en témoigne la lettre, appel au calme et à la pondération, du révérend King que vous trouverez en fin d’ouvrage.

L’échange nocturne entre le jeune homme et le vieux chauffeur, en forme de maillon passé-présent, est illustré en aquarelle avec un effet de couleurs plutôt vives en halo, les lumières de la circulation et de la ville à travers une pluie fine ; les souvenirs d’Aloysius, le taximan, davantage en sépia et tons neutres. On circule dans ces planches aux traits aussi doux que les propos sont forts avec aisance, jusqu’à ce 3 novembre 1956 où la Cour Suprême s’est enfin prononcée pour la justice et l’équité, jusqu’à ce que le jeune homme descende du taxi… Le contraste entre la légèreté du trait et de la colorisation et le propos dense, fondamental, fonctionne extrêmement bien pour embarquer le lecteur.

J’aurais bien aimé grimper dans ce taxi avec eux… et je me demande ce que j’aurais fait dans ce bus…

Compliqué ce genre d’interrogation… Ce qui ne l’a pas été, en revanche, a été de coller ce livre sous les yeux de ma fille… Forcément, pour le fond comme pour la forme, je vous conseille évidemment de tenter une plongée dans l’aquarelle du duo Mancini et Pesce.

Chronique de Louna Angèle

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