Tout le monde le sait, la vie dans un futur proche ne sera pas de la rigolade. Si vous ne me croyez pas, je vais vous conter les déboires de Lombric, Eingyi, Bambi et de leur chien Bone. Le premier volume du jeune auteur Petit Rapace, Slum Kids « enfants des bidonvilles » aux éditions Rue de Sèvres dans sa prestigieuse collection Label 619 , va nous prouver que mettre les pieds dans ce monde n’est qu’abomination.
Tout débute au fond d’un coupe gorge. Le petit Lombric, un môme pas vraiment gâté par l’existence, s’y trouve acculé et malmené par un trio tout particulièrement mauvais. Ils profitent de son jeune âge et de ses faiblesses. Il lui manque un œil et il est amputé d’un avant-bras. Exploitant le fait qu’il soit sans ses amis, les pouilleux le tabassent à froid. Heureusement, les copains ne sont jamais très loin. Ils arrivent à sa rescousse et leur pètent le groin. Le plus touché est Amine. Il se retrouve projeté au sol, après s’être pris un coup de batte envoyé par un Eingyi déchaîné. Pour aider le fracassé, son pote Stigma essaye de saigner le pauvre « ver de terre ». C’ était sans compter sur la rage de Bambi qui lui colle un flingue sur la tempe. On en arrive presqu’à croire que tout finit bien. Et bien non, ça ne fait que commencer !
Nos trois lascars qui l’ont finalement échappé belle, ont plus d’une idée tordue dans leur sac. Après avoir faussé compagnie aux rigolos, ils ne trouvent rien de plus amusant que de chaparder le fric de deux vieux. Les frères Steiner se font dépouiller et rosser, cela a de quoi les mettre en pétard. Tout juste remis de leurs émotions, ils partent à la recherche des sales gosses, avec la férocité d’un molosse. Manque de bol, nos coquins se sont fâchés, on ne peut pas toujours être sur la même longueur d’onde. Les voilà dispersés dans la nature. C’est bien connu, quand on n’a pas de pot, on n’a pas de pot. Lombric qui est resté seul dans l’abri avec Bone, voit débouler les frangins et cette teigne de Stigma. Cette fois pas de chance, mais en a-t-il seulement eu une fois depuis sa naissance, il se fait rétamer, je dirais même tuer, par ces crasseux sans pitié. Bone, toutou fidèle, qui s’est interposé, se prend une balle dans le buffet. Il ne peut que regarder effrayé les hargneux mettre à terre le marmot.
Si cela ne mène pas vraiment à la fin de notre histoire, on peut ouvertement deviner, que la suite va tout faire péter. Quand on nous subtilise un être cher, il n’y a plus qu’un truc à faire, partir en guerre.
Dites-moi, êtes-vous disposés à franchir la porte des enfers ? Moi, j’y suis allée et j’avoue que j’en ai encore les tripes retournées…
Le Label 619 a été créé 2008 par RUN, lui-même auteur de BD. C’est en 2019 que le label devient un studio de création indépendant, qui en 2021 signe la fin de leur collaboration avec Ankama et rejoint Rue de Sèvres. Que ce soit chez l’un comme chez l’autre, les titres qui y sont publiés sont de qualité et sortent graphiquement du lot. Pour n’en citer que quelques-uns qui m’ont marquée : Mutafukas de RUN, Shangri-la et Carbone et Silicium de Mathieu Bablet. Le mirifique Hoka Hey de Neyef ou encore Frontier, sorti cette année des mains de Guillaume Singelin.
Petit Rapace a fait ses premiers pas dans la bande dessinée avec le collectif « Doggy bags » aux éditions Ankama. Suivra en 2022 une participation au volume deux de LowReader chez Rue de Sèvres, dont le 3ème est en préparation pour la fin octobre. Son trait est vif et ses personnages ont une franche personnalité. L’album est dynamique, mordant et sanglant à souhait.
Premier tome réussi, autant scénaristiquement que par sa représentation. Cette nouvelle génération d’artistes ose, elle a du chien et nous amène un vent frais dans le milieu éditorial. J’aime être bousculée, éclaboussée et écorchée, alors Monsieur Petit Rapace n’attendez pas trop longtemps pour nous sortir la suite, je suis clairement affamée et j’en redemande….
Chronique de Nathalie Bétrix


© Rue de Sèvres, Label 619, 2023.