Du bout des doigts

1870 -1909 – 1916 – 1950 – 1958 – 1964. A quoi vous font penser ces dates du XIX et du XXe siècle ? J’aurai pu vous en proposer d’autres, mais elles auraient été aléatoires, n’en disposant pas de sources sûres. Vous donnez votre langue au chat ? Ce sont les époques que nous traversons en lisant les bandes dessinées de Cyril Bonin. La nouvelle intrigue qu’il a composée, Du bout des doigts est éditée par Bamboo dans leur collection Grand Angle et se déroule au début des années soixante.

Séduite par les ambiances que le bédéiste imagine, j’aime tout autant ses scénarios que son dessin. Il évoque tout en finesse des relations de couple pas toujours faciles à la recherche d’une certaine harmonie. Dans cet album cette quête est au cœur de l’histoire.

Paul est un artiste dont la vie est arbitrée par des moments partagés entre amis au café, la réalisation de toiles et Gorgina, la femme qui lui rend visite furtivement à son « appartement-atelier » et lui prodigue un instant d’amour avant de retrouver son mari. Son existence est réglée comme du papier à musique, cela ne veut pourtant pas dire qu’il est heureux. A la suite de la remarque avisée de sa dulcinée qu’il est grand temps de rafraichir sa coupe, notre héros se rend chez le coiffeur. Il est pressé, il n’a pas une minute à perdre et pourtant on le fait poiroter. Arrive enfin une jolie rouquine qui s’apprête à livrer bataille avec sa tignasse. Le moment qu’il passe sous ses coups de ciseaux experts sont accompagnés d’une discussion sur le 7e art et par quelques banalités.

De retour chez lui, même s’il ne l’a pas encore remarqué, Paul se sent plus léger. Devant sa toile l’inspiration revient. Il répond positivement à la proposition d’une galerie d’art qui souhaite exposer ses peintures et à laquelle il n’avait pas donné suite. Devoir rendre vingt tableaux dans un délai de trois mois, c’est beaucoup de travail. Il rambarde élégamment, mais fermement sa bien-aimée quand elle arrive. Quelques jours plus tard, au détour d’une balade, il se retrouve nez à nez avec la coiffeuse. Celle-ci a un souci. Un « cheveu » s’est introduit dans la voûte d’un de ses pieds. En gentleman avisé, Paul lui propose de l’enlever. Ils se rendent à son atelier pour être plus à l’aise. Pour le remercier de cette attention, la demoiselle lui offre de réajuster la longueur de ses cheveux. Charmé et troublé par sa façon de faire, il lui délivre un rapide baiser. Gêné, il se confond en excuses. C’est à ce moment-là que naît entre les deux jeunes gens une collusion presque surnaturelle, comme l’est celle de deux âmes sœurs…

Il apprend à Gorgina qu’il a trouvé son idéal auprès de Mathilde et que leur liaison est terminée. Les deux amoureux rayonnent, rien ne peut bousculer la pureté de leur idylle. Vraiment ? Et si toute cette allégresse n’était pas absolument authentique ? Faut-il pour autant fermer les yeux ou vaut-il mieux reprendre le cours de son existence délaissée et essayer de tout oublier ? Notre héros va avoir bien du mal à faire son choix ! Quand le bonheur frappe à sa porte, on n’a pas envie de le laisser s’en aller….

J’ai rêvé, dans l’enthousiasme de mes lectures, d’être : Tania, Lisa, Stella ou Mathilde. Des récits veloutés, qui n’aspirent qu’à vivre, un jour peut-être, une romance à l’image de celles qui hantent les compositions du merveilleux Cyril Bonin

Chronique de Nathalie Bétrix

© Grand Angle, 2023.

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  1. Avatar de Juju Juju dit :

    J’ai vraiment apprécié cette lecture. Et même si Mathilde ne nous passe pas la main dans les cheveux, c’est un petit moment de bonheur 😉
    Je pense en faire moi aussi une chronique sur mon blog.

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