Il est beau, il est tout chaud et il se trouve qu’il a une merveilleuse couverture enrichie d’une très belle teinte verte ! Quoi, comment, quelqu’un ne sait toujours pas que le vert est ma couleur préférée ? J’ai de la peine à le croire. Cela fait quand même un peu plus de trois ans que je vous casse les pieds sur l’accro des bulles avec cela… Mais revenons à nos moutons et à cet incroyable 5ème Frères Rubinstein aux éditions Delcourt, une série imaginée par un scénariste de talent et que j’adore (et il me le rend bien) Luc Brunschwig. Elle est Illustrée par deux artistes aux mains expertes, Etienne Le Roux et Loïc Chevallier. Ces trois créatifs sont accompagnés par une gente dame, Elvire de Cock coloriste aux nuances très esthétiques.
Le premier volume, sorti en août 2020, nous faisait entrer en contact direct avec Moïse, étudiant studieux et son frère Salomon le bon-vivant de la famille. À la suite d’une odieuse altercation où tous les accusent, ils se retrouvent à fuir leur maison et à devoir vivre avec le souvenir de leurs parents décédés dans la demeure familiale incendiée. Pour échapper à leurs poursuivants, ils vont parcourir les routes de France, partir aux Etats-Unis et Moïse se retrouvera enfermé dans les entrailles lugubres et tragique du camp de concentration « Sobibor ».
Dans cette cinquième partie, nous retrouvons Moïse, toujours détenu dans le centre d’extermination. En ce jour sinistre, au côté de son ami Léon, il apprend de la bouche de Klara que les alentours de l’établissement sont minés. Eux qui souhaitaient s’échapper, se trouvent déstabilisés par cette nouvelle. Ils sont également aux premières loges pour assister à l’arrivée de nouveaux détenus. Les arrivants sont des soldats de l’armée rouge. Pas facile de composer avec ces hommes qui parlent russe. Le plus jeune des Rubinstein y détecte malgré tout une opportunité pour leur projet d’évasion. Reste à trouver l’occasion et le langage approprié pour leur exposer leurs intentions. Ces Russkoff sont de fortes têtes. Une fois la communication engagée, il ne reste plus qu’à élaborer le plan de sortie…
Luc Brunschwig a élaboré un scénario d’une intensité impressionnante. Il réussit à nous entraîner brillamment dans un récit qui passe de l’instant présent à des événements antérieurs. Cela pourrait sembler déroutant, mais l’auteur manie sa plume d’une façon si intelligente, que l’on traverse chaque souvenir, pays visité, de la manière la plus naturelle qu’il soit. On est en France, on se retrouve en Amérique et voilà que l’on atterrit dans les geôles Polonaises. Une vue sur un tournage cinématographique de Salomon, puis on parcourt quelques instants de la relation entretenue avec son amie d’enfance devenue sa compagne, Rivka. Nous ne sommes jamais perdus dans la narration ni désarçonnés par les travelings arrière. Tout est échafaudé comme une partition musicale. Cela résonne, nous percute, nous ébranle et l’on ressort de cette histoire avec une impressionnante soif d’en connaître la suite. Quatre premiers tomes brillants, un cinquième qui déchire tout. Il y en aura neuf en tout, je sens bien que ça va encore monter en puissance et que ça se terminera en une gigantesque apothéose.
Je pourrais vous parler des heures des scénarios élaborés au fil années par notre artiste écrivain. Qu’il soit politique, comme le pouvoir des innocents, un hommage aux comics avec Luminary, S-F pour Urban ou encore policier dans Holmes, sans oublier mon chouchou Makabi devenu Lloyd Singer, je dois reconnaître qu’à ce jour, il n’y en a pas un qui m’ait déçue. Chacun m’a emportée, émue et fait rêver. Il a su s’entourer de partenaires doués : TaDuc, Cécil, Hirn, Perger, Neuray, Martin pour ne citer qu’eux, ils ont apporté à ses textes le support illustré approprié. Cela fait bien 30 ans que ce Monsieur m’accompagne dans mon métier de spé BD avec sa production variée, exaltante et riche. Je n’ai qu’une chose à lui demander « n’arrête jamais de m’émerveiller ! » Merci l’artiste ainsi qu’à tous les dessinateurs qui ont œuvré à tes côtés !
Chronique de Nathalie Bétrix


© Éditions Delcourt, 2023.