Quand on est maman de deux adolescents, on ne peut pas vraiment imaginer ce que vivent les couples pour qui l’enfantement ne se fait pas naturellement. Gwénola Morizur et sa collaboratrice Camille Benyamina, nous content avec pudeur et sobriété les démarches d’Aimée et de Jean pour donner la vie. Montagnes Russes aborde les sentiments qui les traversent tout au long de leur cheminement. Ce livre a trouvé sa place dans la collection Grand Angle des éditions Bamboo.
Nos deux amoureux ont presque tout pour être heureux. Je dis bien presque, car il leur manque un tout petit quelque chose pour qu’ils soient entièrement satisfaits.
Pour Aimée qui travaille dans une crèche, la vue des bambins lui met du baume au cœur. Après plusieurs échecs des suites à la procréation médicalement assistée, elle met toute son énergie à disposition de ces chères têtes blondes. Lorsqu’un soir on lui demande de rester plus longtemps pour recevoir une nouvelle cliente, elle ne peut se douter que sa vie va soudainement changer. Charlie arrive telle une tornade, elle est accompagnée de Julio. L’attitude égocentrique de la jeune mère de trois gamins interpelle l’auxiliaire de crèche.
Aimée apprend la même semaine que cette fois encore elle n’est pas enceinte. Jean, accablé par la tristesse de sa femme, ne peut que la serrer dans ses bras et lui dire à quel point il l’aime. Heureusement pour elle, il y a son travail et celui-ci lui procure la sensation d’être utile. Julio n’est pas un bambin facile. Grâce à sa patience et à son amour, elle réussit à le canaliser. Au fil des jours, un lien très fort se tisse entre les deux et une amitié naît avec la mère. Aimée en vient à prendre de mauvaises décisions et à s’impliquer plus que de raison dans la vie de Charlie. Elle dépasse ses prérogatives et se met professionnellement en danger. Au final, son couple en subira les conséquences. Retrouver un équilibre au milieu de toute cette confusion n’est pas évident….
Pour sa troisième BD publiée chez Bamboo, Gwénola Morizur nous présente une fois encore une composition originale. Bleu pétrole sorti en 2017 et illustré par Fanny Montgermont, retrace la catastrophe écologique survenue en 1978 lors du naufrage du pétrolier l’Amoco Cadiz. Si l’histoire est présentée comme une fiction, un des personnages principaux est inspiré de son grand-père. Alphonse Arzel, qui était au moment des événements maire de Ploudalmézeau. En 2018, paraît Nos embellies, un one shot animé par Marie Duvoisin. Elle fait partie de ces bandes dessinées dites feelgood « qui font du bien » ! Ce titre parle également de grossesse, mais il est bien différent de Montagnes Russes. Même si les protagonistes sont rongés par de nombreux soucis et qu’ils semblent bien tourmentés, on ressort toujours après la lecture de ce genre d’ouvrage avec un sourire aux lèvres ce qui est le but de ces publications. Pour l’accompagner dans ce troisième opus, nous retrouvons le graphisme doux et émouvant que j’ai déjà tant admiré dans l’album Les petites distances écrit par Véro Cazot aux éditions Casterman. Loin des illustrations plus sombres de ces deux précédentes réalisations : Violette Nozière: vilaine chérie et Chaque soir à onze heures, toutes les deux sous la houlette d’Eddy Simon. Cette fois le trait est plus délicat, les teintes sont lumineuses et d’une incroyable finesse. La sobriété de la couverture nous lance un appel et nous oblige à vouloir comprendre ce qui justifie le regard mélancolique de notre héroïne.
Cette œuvre extrêmement touchante est composée avec intelligence, elle nous décrit clairement et sans détours, ce qu’endurent ces êtres en attente d’une grossesse qui ne peut malheureusement se réaliser de manière ordinaire. Elle démontre, une fois encore, que face à certains aléas de la vie, nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne ce qui peut générer pas mal de bouleversements.
Chronique de Nathalie Bétrix