Emmanuel Guibert met en cases une réflexion aiguisée sur nos modes de vie et nos habitudes. Il signe un concentré de finesse à la fois amusant et pertinent.
Avec Le smartphone et le balayeur édité par Les Arènes BD, il imagine une discussion entre l’outil sophistiqué, omniprésent dans nos vies mais accessoire et un fonctionnaire de catégorie C pragmatique et pour le coup clairement indispensable.
Le premier est en burn-out , dépressif et le second attentionné mais visiblement assez maladroit avec les femmes.
L’auteur utilise un concept simple mais rudement efficace. Les doubles pages s’enchaînent avec malice.
Sur la page de gauche, une capture d’écran et sur celle de droite une planche de BD.
Introduites par un titre puissant, les planches permettent d’aborder de nombreux sujets.
C’est surtout un magnifique terrain de jeu pour dénoncer avec subtilité une société malade.
Le dessinateur pointe du doigt notre dépendance vis-à-vis d’une technologie sous-utilisée, d’un petit objet auquel on confie une grande part de notre intimité et sans lequel beaucoup de nos contemporains semblent un peu perdus.
Il imagine le quotidien d’ un téléphone portable dernière génération allant même jusqu’à lui offrir l’opportunité de s’exprimer. Le résultat est assez désopilant. Il livre des textes incisifs et plaisants. L’objet semble en voir de toutes les couleurs, à tel point qu’il envisage d’en finir. Quant au balayeur, il est à la fois simple, bienveillant, astucieux et bavard.
Avec cet opus, l’auteur décrit avec talent l’addiction, il met en relief notre perte de liberté et l’emprise que ce matériel fabriqué la plupart du temps dans des conditions peu reluisantes exerce sur nous. On le pense essentiel, ce n’est pas tout à fait vrai. La démonstration est intelligente et pleine de bon sens.
Après Le Photographe, La guerre d’Alan ou encore Ariol, le Grand prix de la ville d’ Angoulême traîne son regard aiguisé sur notre quotidien. Il signe un one shot divertissant, questionnant et percutant qui nous invite modestement mais brillamment à reconsidérer notre rapport au monde.
Chronique de Stéphane Berducat