Basilicò

L’histoire aurait pris place dans le Barcelone d’Almodovar, on aurait pu intituler cette chronique « Sagrada familia » mais elle se déroule à Palerme… Alors, tant pis pour les amateurs de chorizo, j’espère que, comme moi, vous aimez le basilic.

Et croyez-moi, vous allez vous régaler avec Basilicò de Giulio Macaione qui nous a mijoté aux éditions Ankama une histoire aux petits oignons – ou pour être plus exacte au basilic – dont les ingrédients ne sont autres que des secrets de famille relevés d’une sauce épicée avec une bonne pincée de sel et d’humour et un brin d’ironie

Ils sont venus ils sont tous là… oui, mais elle est déjà morte la mamma.

Grand jour de deuil chez les Morreale ! Les 5 enfants sont réunis autour du cercueil de Maria, leur mère, cuisinière hors-pair. Pour une fois, elle a réussi ! Elle qui avait tellement de mal à tous les rassembler autour d’une même table le dimanche ! Ah ! La cuisine de Maria…Une tuerie, surtout ses recettes à base de basilic…Et c’est Maria qui, en guise d’entrées, va de sa « douce langue fourchue » d’outre-tombe faire les présentations. En deux coups de cuiller à pot, ou plus exactement en deux planches, elle nous dresse le portrait de ses cinq rejetons : Giovanni l’aîné, transparent que personne n’écoute, Agata, l’artiste ratée, Diego Maria l’homo cœur d’artichaut pleurnichard un peu gigolo sur les bords, Rosalia, la belle infirmière qui a épousé le beau chirurgien et le petit dernier, Santo le voyageur.

Et le père ? Il les a quittés depuis plus de 20 ans.

Qui dit réunion de famille dit régurgitation des non-dits, des blessures et des secrets jusqu’ici bien gardés. Tous les ingrédients de la comédie à l’italienne sont là : de l’amour, du drame, de l’humour, les rapports au sein de la fratrie, la fameuse mama un poil bigote, la relation, ou dans ce cas précis non relation au père, les réactions parfois exagérées des protagonistes, le souci du qu’en dira-t-on. Giulio Macaione, maître-queux du récit choral, nous fait mijoter en dévoilant petit à petit les dessous de l’histoire. Nous allons revivre les derniers jours voire les dernières heures précédant la mort de la matriarche à travers le regard de chacun des enfants passant de l’un à l’autre par l’entremise du portable d’Agata et les fameuses recettes au basilic. 5 enfants, 5 chapitres, 5 recettes qui figurent en tête de chapitre, 5 confessions de Maria sous forme de flash-back. Le sixième chapitre nous ramène au présent devant le corps de la défunte avec son lot de règlements de comptes avant que n’éclate enfin la vérité – et quelle vérité ! – dans l’épilogue et le twist final de la toute dernière phrase ! Du grand art !

Giulio Macaione, narrateur hors pair mais pas que … L’illustration est à la hauteur de la narration, c’est tout dire ! Le trait précis est extrêmement élégant. Le noir et blanc devient sépia lors des confidences de Maria.Les personnages touchants et attachants sont très expressifs ce qui rend les scènes d’autant plus vivantes. Nous sommes ici dans une interprétation très réaliste. Au gré des pérégrinations des différents personnages, nous déambulons dans Palerme à la rencontre des lions de la Piazza Pretoria, puis gagnons la Porta Felice, le Teatro Politeama, le Teatro Massimo … Certaines scènes fourmillent de détails truculents, celle du marché notamment. Cependant, Giulio Macaione ne cesse de nous surprendre et parmi toutes ces planches vient se glisser une double page onirique où les plants de basilic portent de bien étranges fruits.

Remarquable illustration donc pour un objet lui-même élégant et raffiné avec son signet tissé vert …

Ah j’allais oublier! Apparaît ça et là dans les méandres de notre récit une tête de maure, vase en céramique typique de l’artisanat sicilien. Connaissez-vous la légende qui s’y rattache? Non ? Alors, laissez-moi vous en conter le début: «Il était une fois, à l’époque de l’occupation arabe en Sicile, dans le quartier de la Kalsa à Palerme, une belle jeune fille qui passait ses journées à s’occuper des plantes et des fleurs de son balcon. Un jour, un jeune militaire Maure qui passait non loin de là, la vit et en tomba éperdument amoureux .…» Quant à la suite, je vous laisse le plaisir de la découvrir par vous même, après lecture de l’album évidemment, et vous n’en savourerez que mieux la subtilité de Basilicò, ce petit bijou si finement ciselé.

Un énorme coup de cœur ! Bravo, Maestro ! E viva Basilicò !

Chronique de Francine Vanhée

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