Hollywood, quel magnifique symbole du divertissement et de l’industrie cinématographique, n’est-ce pas ? Quelque part où le rêve et les paillettes transportent et attirent une multitude d’imbéciles de touristes et d’apprentis comédiens/comédiennes assez naïfs. Une chimère qui fait tourner les têtes. Et bien dans Hope de Guy Adams et Jimmy Broxton aux Editions Delcourt, nos deux compères britanniques détruisent le mythe de l’American dream clinquant. L’expérimentation cabalistique et subliminale est reine et tient les rênes avec perfidie, attention assombrissement démoniaque du défilement recto verso étalé sur près de soixante-quatre pages.
Mallory Hope est détective privé dans un domaine très particulier, celui de l’occulte à Hollywood Boulevard dans les années quarante-cinquante. L’ésotérisme domine et dirige le monde aussi bien dans la pratique de la sorcellerie qu’en charme, prestige et séduction. Notre enquêteur est un homme fini et détruit depuis la perte de son épouse et de son enfant dans des conditions assez spéciales vu le milieu dans lequel il navigue. Pour combler ce vide énorme dans sa vie, Mallory s’est complètement abandonné à la magie noire. Il évolue dans un monde en demi-teinte, et va à la pêche aux clients et autres faits divers. Les plus ragoûtants ne le rebutent aucunement grâce à l’aide de Cade et son abus excessif de sorcellerie, avec pour seule condition que tout a un prix.
Joey Fabrizzi, un gamin enfant star disparaît mystérieusement lors d’un tournage. La maman fait appel au privé pour retrouver son petit. Hope devra faire usage de diverses incantations et sortilèges, évoluer dans des strates moites et crasseuses du tout beau hollywoodien mais de l’autre facette du miroir. Recherches et investigations seront de mise, notre anti-héros passera au crible agent de stars, producteur, intimes du dit disparu. Tous crapahutent dans cette ambiance particulière où tout n’est pas clair. Ils sont des suspects potentiels et ont été en contact avec le garçon et le spiritisme d’une manière ou d’une autre. À lui de démêler le vrai du faux pour tenter de retrouver cette malheureuse victime, et de connaître le lien de cause à effet de ce scandale. L’accent est mis sur l’évolution dans une société faite d’occultisme, où tout n’est pas blanc et tout n’est pas noir. Il y a les niveaux de gris qui vont avec, surtout dans des affaires compromettantes et tous les sales petits secrets qui les accompagnent.
Guy Adams en bon auteur british qui se respecte, tourne en dérision le système américain. La poussière d’étoile se transforme en supernova dans son scénario. Il développe la face cachée de l’industrie californienne et ses dérives. Script droit, carré, mené avec perspicacité et intensité pour mieux démontrer le côté désabusé et la désillusion de la capitale des stars. Une métaphore bien appuyée soutenue par le ton surnaturel employé. Les monologues du protagoniste principal donnent souvent sa vision pessimiste et aident à mieux faire comprendre ses intentions sur le sujet. Critique assez sarcastique d’un Britannique pour ses cousins anglophones éloignés.
Jimmy Broxton livre une prestation claire-obscure pour une copie à la charte graphique solide et établie. Sa représentation des personnages, véhicules, bâtiments et décors est chargée et empreinte de réalisme. Belle restitution de l’imagerie des films policiers de cette époque bénie du cinéma. Avec une belle et fine couche de trame grisée appliquée aux planches qui accentue le côté illusoire nécessaire à l’histoire pour un rendu sémillant et fringant.
Avec Hope, nous pensons tout de suite à John Constantine et la série Hellbazer chez Vertigo. L’imper, la clope, le bourbon pas cher et les cases de pensées à profusion. Mais cela reste indéniablement un excellent one-shot (paru dans le magazine 2000 AD ensuite traduit chez Delcourt) comme nous aimerions en avoir plus souvent. Pas de run à rallonge où l’intérêt se perd au fil des pages, un condensé en tome unique à coût modique pour une lecture dithyrambique.
Contrat respecté.
Chronique de Vincent Lapalus.
©Éditions Delcourt, 2020, Hope, Guy Adams et Jimmy Broxton.