C’est déjà le dernier volet de cette magnifique série consacrée à Irena Sandlerowa : Le fruit d’un incroyable travail d’équipe: Jean-David Morvan et Séverine Tréfouël au scénario et David Evrard pour le dessin et Walter à la couleur. Les éditions Glénat ont été bien inspirées de donner vie à cette série. Elle devait tout d’abord se dérouler en trois tomes et finalement se décline en cinq. On ne pouvait pas faire mieux pour honorer cette grande dame partie il n’y a pas si longtemps à l’âge de 98 ans, le 12 mai 2008 !
Ce qui m’a d’abord touchée dans ce dernier volume c’est la préface de Marek Halter. J’aurai pu m’arrêter à la fin de son texte, sans aller plus loin, tellement il m’a touché et émue. J’en ai eu les larmes aux yeux. Mais je ne pouvais quand même pas en rester là.
Ce qui surprend aussi ce sont les dessins de David Evrard. Sous ses airs enfantins, il cache un récit dur, très dur. En 2015 est sorti le premier volume de la série Les enfants de la résistance de Dugomier et Ers, aux éditions Le Lombard. Je me suis tout de suite passionnée par l’Histoire. Quand est arrivé en 2017 le tome 1 d’Irena, j’ai pensé que cela allait être un autre récit sur la même période historique mais pour les plus jeunes. Cette idée, je l’ai eue uniquement à cause de l’allure du dessin… J’ai très vite compris que je me fourvoyais. Des deux séries, il est bien clair qu’Irena est bien plus
sombre. La première est une fiction, la deuxième la réalité ! Sous son aspect léger, il se cache une vraie cruauté.
Cette histoire fait suite au tome 4, on s’en doute, et tout comme ce dernier, l’histoire se divise en plusieurs parties. On retrouve Irena en 1983 à Jérusalem. Elle a reçu l’autorisation de la Pologne d’y aller pour planter un arbre dans l’allée des Justes. Elle en profite pour raconter son parcours. S’y mêle donc des flash-backs tout au long du récit.
Les trois premiers tomes racontaient sa vie à Varsovie et dans le ghetto, sans filtre et sans retenue. Ils étaient particulièrement tragiques et bouleversants. Malgré tous les films et documentaires, j’ai toujours de la peine à comprendre que cela ait pu se passer. Avec Irena, j’ai pris en plaine face l’ampleur du mal qui a été fait aux adultes et enfants. D’autre part j’ai réalisé, à mes dépens, ce que mon père a, peut-être, pu ressentir dans sa plus jeune enfance. Suisse, né en 1940 à Varsovie… Cela explique certainement ses silences sur ses 13 années passées en Pologne.
Les tomes quatre et cinq apportent un peu de légèreté à la série. On y trouve des touches d’humour. Cette femme qui n’a jamais plié, qui est toujours allée de l’avant est une héroïne énergique, souriante et positive. Je reste fascinée par ces êtres humains qui au fond de leur cœur sont persuadés et nés avec l’idée que ce qu’ils font est normal. Elle dit qu’elle ne sait pas comment elle aurait pu vivre ces années de guerre sans ces gens qu’elle a aidés et surtout ces 2500 enfants qu’elle a sauvés. Je trouve cela impressionnant.
Dans cette dernière partie, je suis passée du rire aux larmes. Une sorte de travelling, ou l’on repasse en vue ce qui s’est déroulé tout au long de la série. La saga s’achève par un ressenti positif. Je reste subjuguée par cette idée de recenser chacun des enfants qu’elle a sorti du ghetto sur de petits papiers glissés dans des bocaux et enterrés. Stupéfiant ! On ne parlera jamais assez de sa détermination et de son courage. L’album s’achève sur une
rétrospective de sa vie. De sa naissance à 2009, année où elle a reçu à titre posthume le Prix humanitaire Audrey Hepburn. On trouvera encore un magnifique texte de Didier Pasamonik. Il nous parle des auteurs, de la Shoah, par le biais de nombreux supports de mémoire. Ceci n’est ni un rêve, ni un mauvais film mais la vie.
Chronique de Nathalie Bétrix.