LES CHANTS DU CHAOS Livre I: Semailles

Quelle couverture ! Elle joue sur tous les plans : somptueux dessins, contrastes, intrigue… Rue de Sèvres nous offre une édition soignée, le très riche encadrement florissant en forme d’arche étant souligné par un rouge brillant peu commun, d’une beauté envoûtante… Avouez que vous êtes interpellé ! Le personnage central, assis nonchalamment sur une stèle, regarde le lecteur droit dans les yeux, avec détermination. Il est pourtant entouré par des êtres fantastiques, deux squelettes animés d’animaux, scrutant également le lecteur… L’ambiance est rougeoyante et nocturne, et le titre, les chants du chaos, laisse peu de doute : cette bande-dessinée va vous plonger dans un doux effroi. Un mal mystérieux a en effet envahi les contrées des Drévossènes, contraints de vivre isolés par le Haut-Mur. L’arrivée de quelqu’un de l’extérieur va chambouler le quotidien déjà difficile du prince Ivan. Sous ses airs innocents, l’étranger pourrait être une menace très sérieuse. L’illustrateur Elk, qui avait précédemment signé plusieurs jeux de société, livres jeux et albums collectifs, frappe très fort pour sa première trilogie en auteur complet. L’œuvre, dédiée à Hubert, qui en a dirigé l’écriture, est un très bel hommage, pour celui qui aimait associer monstruosité et innocence (citons par exemple le récit qu’il a écrit pour Ténébreuse…). C’est un véritable bijou à chaque page, où couleurs et fleurs – qui nous font penser à Frida Kahlo – apportent un équilibre très intéressant à une histoire sombre. Les transitions entre chapitre s’avèrent particulièrement soignées, par une enluminure en double page remarquable, nous offrant une mise en scène alliant blasons, personnages et animaux. En résumé, l’album est l’un des plus réussi graphiquement cette année, le scénario est très prenant et accessible à partir de 12 ans.

La scène introductive est celle d’un massacre par les errants, auquel échappent deux enfants, Yvan et sa sœur. La stèle nous est ensuite présentée, expliquant que vue la malédiction qui frappe la Drévosévie, tout contact est désormais interdit. Et pourtant… Un étranger, complètement intact, est retrouvé dans les bois . Sovir a un visage candide, l’innocence même. Mais son regard dit parfois autre chose… Qui est-il, et pourquoi a-t-il enfreint les règles sacrées ? Comment se fait-il qu’il ne se fasse pas attaquer ? A-t-il un pouvoir divin ? Yvan, qui est devenu adolescent et prince, n’a pas de répit, entre la chasse aux monstres et la protection du territoire, ses sœurs, la fête honorant Pozarma et l’arbitrage à mener sur le sort de l’étranger. Sa fiancée se sent délaissée. Et depuis une dizaine d’années, aucune fille n’a pu devenir mère… Alors que Sovir gagne en influence, le scénario nous emmène inexorablement vers des jalousies et tensions, les dialogues séduisant par leur modernité.

Le style graphique nous ébahit dés la première page : couleurs magnifiques, traits réalistes et arrondis avec beaucoup de douceur. Le découpage nous offre une entrée en trois temps progressive, magistralement exécutée : d’abord un grand paysage plongé dans la nuit, puis un village aux constructions de bois d’où émane une lumière aux tons chauds, pour arriver dans une salle de banquet où s’activent des serveurs. Chaque page est ainsi habilement travaillée, soignée. La beauté est omniprésente, que ce soit dans la nature, l’architecture, les éléments ornementaux des décors et tenues. Celles-ci ont quelque chose de slave, avec leurs liserés rouges exquis. Même les protubérances rondes des êtres maléfiques ont quelque chose de la pivoine à peine éclose, leur donnant un aspect floral. Les visages trahissent avec délice les émotions fortes des jeunes… Et une surprise de taille attend Yvan en dernière page.

Que vous aimiez Game of thrones ou Le peuple loup, ou que vous souhaitiez tout simplement vous régaler les yeux : foncez découvrir cet album captivant ! Il ne vous restera ensuite plus qu’à attendre la suite avec autant d’impatience que moi.

Chronique de Mélanie Huguet-Friedel.

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