Jon McNaught, jeune auteur talentueux de bandes dessinées est d’abord édité chez Nobrow avant d’arriver dans la maison Dargaud. Cinq titres à son actif, dont ce magnifique objet en 2025 Hors scène.
Objet car le livre est en lui-même fait pour attirer. Nous voilà bien éloignés des bandes dessinées classiques. Dargaud et Jon McNaught nous offrent un grand format à la couverture fichtrement travaillée. Une première et une quatrième de couv’ dans un écrin noir, sorte de pellicule ou d’album mettant en avant une sorte de chemin de fer, un pêle-mêle de photos types polaroïds aux couleurs atypiques des affiches vintages et du travail de gravure ou de sérigraphie.
Dans ces pages, nous allons découvrir de manière originale David. Nous entrons dans la BD et nous entrons sur scène avec ce personnage principal. Entouré d’autres jeunes, il est en pleine répétition d’une pièce pour son école. Entre deux répliques, ce sont les moqueries, les regards, les émotions brutes de chaque élève qui s’interposent. David est donc un jeune (collégien ?), un grand frère, un fils, un pote.
Son univers est fait de l’école, des jeux vidéo, des copains, de l’Eglise le dimanche, de repas en famille et d’un cadre plutôt régulier en général. Un cadre qui va se déformer car David est à un âge où les frontières changent. Il oscille tout le long de la bande dessinée entre ce qu’il est et ce qu’il peut devenir. Et tout son entourage observe avec plus ou moins d’affect ces mouvements. Josh, meilleur copain en fait les frais. Les parents s’interrogent. Le cercle des copains s’étend. Les filles deviennent de potentiels coups de cœur. Les jeux changent et les amusements simples faits d’aventures et d’imagination n’intéressent plus. David vacille. Internet ouvre de nouvelles portes et de nouvelles recherches. Les travaux manuels ne sont plus de même nature… L’enfance perd du terrain au profit d’un futur mal dégrossi, un peu fabriqué par les tentations venues des nouvelles rencontres. Les expériences sont parfois malchanceuses mais ouvrent d’autres perspectives. Le jeu devient plus complexe et flirt avec plus de risques. Mais l’enfance ne se quitte pas en un claquement de doigt et il peut-être rassurant pour David de s’y réconforter.
La bande dessinée est tenue par un rythme. Celui des répétitions qui avancent jusqu’à la grande soirée. Le spectacle, basé sur Le monde de Narnia est joué. Les quatre premiers « chapitres » (sur cinq) s’ouvrent sur une répétition, se referment sur du hors scène. Le dernier temps de cette pépite est après la représentation. Une sorte de conclusion. Chaque chapitre est une sorte de vague. David y avance et se fait un peu embarquer par des émotions et des envies nouvelles. C’est une bande dessinée qui marque parfaitement le flou de cette période de l’adolescence. Les phrases tronquées des autres personnages nous emmènent dans un mouvement. Cette BD est un véritable scénario de film. Il y a ce rythme et des pauses. Il y a des travellings, des jeux de lumière et de regards. C’est un livre riche, avec une multitude de vignettes, des clins d’œil (dont un à Wallace et Gromit, je note et apprécie !).
Le jeu de couleurs donne une ambiance ambivalente et accentue toute cette notion de passage. Quelques touches mineures de vert, mais un camaïeu majoritaire de bleu / orange. Comme dans un film un peu suranné, intime. Une sorte de huis clos.
Beaucoup d’émotions transparaissent, et c’est un plaisir de dévorer ces planches. Puis c’est un autre plaisir de relire, de piocher des moments, des détails, des mots. Jon McNaught est le spécialiste des petits moments valorisés. Des transitions. Tout son travail est basé sur l’observation et le changement fait de petits riens. Une très belle interview sur le site Kblind met tout cela à l’honneur. C’est une découverte d’univers fascinante qui peut se mettre entre de nombreuses mains, jeunes ou moins jeunes.
Chronique de Mélanie Mercuzot.


©Éditions Dargaud, 2025.