CAPUCHE BLANCHE

Capuche Blanche est une œuvre singulière, réalisée par Oscar Martin et Tha (Auguts Tharrats ). Elle est éditée par Delcourt et présentée comme une relecture originale du Petit Chaperon Rouge.

L’ouvrage commence par une scène sinistre : un corps coulant au fond de l’eau. Une voix off nous présente ensuite l’héroïne du récit, Capuche Blanche. Cette jeune femme de 17 ans vit seule dans la forêt. Sa maison se situe à dix kilomètres de la ville la plus proche. Sa mère l’a abandonnée et son père ne voit que par son travail. Il préfère qu’elle étudie à domicile et embauche des enseignants qui ne resteront jamais longtemps. Cette présentation est faite du point de vue de l’adolescente. Le lecteur apprend qu’elle souffre énormément de la solitude, même si elle rend visite parfois à sa grand-mère qui lui apporte l’amour maternel dont elle manque.

Ses loisirs favoris sont les balades en forêt et la cuisine. Un détail qui aura son importance plus loin dans le récit, elle est végétarienne, un chasseur ayant tué son lapin.

Sa vie monotone va changer le jour où elle découvre un loup blessé, caché dans la cave d’une cabane abandonnée. Jusqu’ici la tonalité de l’histoire était réaliste, mais cette dernière vire au conte quand Capuche engage naturellement la conversation avec le canidé et que celui-ci lui répond. Une relation que l’on qualifierait de toxique démarre. Heureuse d’être utile à quelqu’un et de pouvoir compenser son vide émotionnel, Mme Blanche propose de soigner et de nourrir le mammifère dont elle est tombée amoureuse. Ce faisant, elle met l’animal en situation de dépendance et fera tout, inconsciemment, pour le retenir, jouant aussi sur la culpabilité.

Mais une conversation entre les deux personnages entraînera un virage dans l’intrigue, nous permettant un nouveau regard. Je ne veux rien divulgâcher, mais cette perspective différente éclaire le lecteur sur le fonctionnement psychique de la principale protagoniste.

Le style d’Oscar Martin est subtil, fin mais aussi cynique et drôle. Les descriptions des précepteurs en introduction sont savoureuses et amusantes. Il maîtrise ses deux sujets (les relations toxiques et la maladie mentale), et le prouve à travers les dialogues et des textes d’une grande justesse, sans tomber dans les clichés et sans donner de leçon. Il décrit magistralement les mécanismes à l’œuvre dans la mise en place de relations toxiques. Sont évoqués à travers les conversations entre les deux héros la nature sauvage et l’instinct de survie des êtres vivants.

Les deux virtuoses du neuvième art semblent régler leurs comptes avec les chasseurs, ce qui, je le confesse, est assez jubilatoire…

Le texte m’a beaucoup plu, mais j’avoue que le dessin de That avait attiré mon attention en premier lieu. Son trait est fin et nerveux, réaliste mais en même temps stylisé quand il s’agit de représenter les animaux. L’utilisation de l’aquarelle donne une beauté incroyable aux planches, surtout pour les scènes extérieures.

Afin de faire éprouver au lecteur la solitude et le vide intérieur de Capuche, les auteurs font défiler les saisons, permettant à l’aquarelliste d’exposer son immense talent. Les pleines pages de la nature à différentes périodes de l’année avec leur couleur dominante sont sublimes et invitent à la contemplation, malgré un sujet délicat.

Les deux auteurs espagnols livrent un récit fort, original, tant dans la forme que dans le fond et admirablement bien construit. Oscar Martin est connu en France sa série intitulée Solo, publiée aussi par Delcourt. Il a travaillé pendant vingt ans sur la série animée Tom et Jerry, d’où sa maîtrise de la narration. August Tharrats est connu dans nos contrées pour sa série Absurdus Délirium éditée chez Fluide Glacial.

Cette chronique donne l’opportunité à L’accro des bulles de participer à notre façon à la grande cause nationale de cette année, consacrée (en théorie du moins) à la santé mentale (pour information, la journée mondiale de la santé mentale sera organisée le 10 octobre 2025).

Chronique de Marc Lécrivain et Cassandre.

#santementale#chaperonrouge#toxique


© Delcourt, 2024.

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