Nikuko, qu’on pourrait traduire par « Madame Bidoche », est une serveuse de 38 ans, qui élève seule Kikuco, une jeune fille en CM2, grande lectrice assez introvertie. Ce duo navigue avec beaucoup de tendresse au cours des 2 tomes du manga « Nikuko du port de pêche », édité par Rue de Sèvres. Une fois de plus, la collection Le Renard Doré nous dévoile une histoire forte et originale. Kanako Nishi a produit un scénario tout en finesse, où les personnages se dévoilent petit à petit. Le dessin doux de Sugisaku leur correspond parfaitement. L’histoire nous plonge avec délice dans la culture japonaise et ses spécificités, culturelles, culinaires, scolaires… Le quotidien de nos deux protagonistes est l’occasion de rencontres, et aussi d’un riche dialogue intérieur, celui de la jeune fille. Si la mère semble attirer les menteurs et les manipulateurs comme un aimant, elle fait preuve de beaucoup de joie de vivre et d’optimisme. Quand à sa fille, si elle se sent parfois un peu en décalage avec ses camarades comme avec les adultes, tout en essayant de ne pas faire de vague, cela lui donne un regard affûté sur les autres. Elle va petit à petit mieux comprendre son histoire et clarifier sa relation avec sa mère. Un récit parfois poignant, dans le vrai, dévoilant les péripéties d’une mère célibataire courageuse, et de sa fille se construisant son identité. Peut plaire aux adolescents dès 12 ans mais aussi aux adultes.
Nikuko est plus qu’enrobée, et adore manger. Elle est surtout un peu maladroite, et naïve. Même si elle éprouve parfois du stress, avec des horaires de restauration à tenir et une éducation limitée, cela ne l’empêche pas d’être pleine de gaieté, voire assez exubérante. Sa fille, très différente, a parfois honte d’elle. Elle n’aime pas les conflits à l’école, est très attachée au respect. L’enfant est parfois laissée à elle même, comme sa mère travaille en restauration. Elle se sent un peu seule, ou en décalage avec ces adultes qui boivent de l’alcool ou fricotent devant elle. Les rôles sont inversés, c’est la fille qui a les pieds sur terre, fait la vaisselle, prend soin de remettre la couverture sur sa mère quand elle dort… Si Nikuko est une mère atypique, elle a su éponger chacune de ses dettes, et ne manque pas d’attention.
Kiku a des amis, tout en restant assez solitaire, mais sait aller vers l’autre même lorsqu’il est différent. Elle fera ainsi une rencontre intéressante avec un garçon présentant des tocs, et saura pardonner à une jeune fille aimant avoir une place centrale. Dans le second tome, des confidences et découvertes surprenantes permettent d’en apprendre davantage sur les personnages. Le tabou du travail de nuit, dans la jeunesse de Nikuko, est levé pour le lecteur. Il comprend aussi que Kiku porte en elle le poids de se croire non désirée. Une épreuve sera l’occasion de se dire l’affection que chacune a envers l’autre.
Ce joli manga, au format traditionnel, propose un trait crayonné, doux, tout en nuances de gris. L’accent est mis sur les visages, quitte à multiplier les vignettes pour mettre en valeur une pommette rougie, un regard surpris. La précarité des mères célibataires se traduit dans l’étroitesse de l’appartement, la promiscuité avec les voisins… Cela mettra les nerfs de la jeune mère de Kiku à rude épreuve ! Les scènes de la vie de tous les jours diffusent pourtant une chaleur certaine ; il faut dire que Nikuko a choisi de rester dans la petite ville où elle habite pour la gentillesse de ses habitants. Elle et sa fille sont attachantes, les dialogues nous dévoilent deux personnalités contrastées mais qui veillent l’une sur l’autre !
L’histoire de Nikuko nous rappelle que, si nous ne sommes pas tous nés sous la même étoile, il faut réussir à trouver en soi la force de rebondir à chaque épreuve. Il en faut de l’énergie pour s’en sortir, financièrement mais surtout mentalement. Grande pensée à toutes les mères courage, et à toutes les personnes qui deviennent tutrices d’un enfant. Une prise de responsabilité empreinte de beaucoup de bonté et d’amour !
Chronique de Mélanie Huguet – Friedel.
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