Ce qu’il reste de nous

Avec ce qu’il reste de nous, aux éditions Futuropolis, Jacques Terpant nous propose de plonger dans l’histoire d’un territoire, du Dauphiné, à travers de superbes dessins, réalistes. C’est l’aboutissement d’un grand travail, autant historique que généalogique, teinté de nostalgie. Car l’auteur nous alerte sur la rupture entre l’homme et la terre. Les hommes ont tourné le dos à leur terroir, oublié l’art de relever les murs en pierre, d’entretenir des chemins et des champs… Ce qu’il reste de nous, c’est sans doute l’art de faire société. Connaître ses voisins, la nature qui nous entoure. S’accorder sur le patrimoine à entretenir, savoir régler les conflits de voisinage, ne pas oublier les pauvres, protéger ses enfants… Une ode à la société agraire qui a duré dix siècles, à ses valeurs. Des récits souvent poignants, qui parleront à beaucoup.

L’artiste réussit à embrasser 1 000 ans d’histoire tout en nous plongeant dans des scènes de vie quotidienne. On y voit l’entretien du terroir de générations en général, l’importance des moissons, le sacrifice des paysans partis à la guerre, l’impuissance face aux maladies… Des événements qui pourraient sembler anecdotiques ont pu changer le destin de générations entières : un conflit autour d’une chasse au sanglier, la mort tragique d’un malheureux mendiant venu chercher un peu de chaleur dans un four… Et puis un jour, une partie du village a décidé d’aller en bas, dans la vallée, d’y bâtir une église…

Les superbes dessins, réalistes, nous offrent des visages détaillés, dans toute leur gravité, leur surprise, leur joie contenue. Les décors sont ceux de l’ancien temps : architecture vernaculaire élégamment reproduite, majesté des bois et mosaïque de cultures. Les scènes de la vie quotidienne sont choisies avec soin, pour montrer toute l’étendue des activités séculaires en milieu rural, et se déclinent naturellement au fil des saisons. Les chevaux, moutons, oiseaux, lièvres et sangliers qui peuplent les campagnes sont mis en avant avec grâce, rappelant que si les besognes pouvaient être pesantes et la vie parfois extrêmement difficile, la beauté de la nature s’offraient à tous. Une douce lumière jaune baigne les planches, celle qu’affectionne l’auteur dans les sentiers de son pays. Ou alors est-ce la lumière du chemin qu’il emprunte en rêve ?

Le bédéiste, âgé de 68 ans, a annoncé que « Ce qui reste de nous » était son dernier album ! Raison de plus pour profiter de celui-ci, entre graphismes très aboutis et transmission d’un savoir précieux.

Chronique de Mélanie Huguet-Friedel.


© Futuropolis, 2025.

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