Après sa géniale adaptation de Dans la forêt , le roman à succès de Jean Hegland publié par les Éditions Sarbacane, Lomig signe un projet plus personnel, une bande dessinée merveilleuse intitulée Au cœur des solitudes, un one shot étonnant qui nous incite à revoir notre rapport à la nature, un thème cher au bédéiste.

Né dans le Finistère, résidant aujourd’hui à Rennes l’auteur a tissé un lien fort avec l’environnement, une connexion étroite. Il a façonné un cocon dans lequel il aime se réfugier quand le besoin se fait sentir.

Avec cet album qui a nécessité quatre ans de dur labeur, il a souhaité encourager ses congénères à regarder d’un œil neuf, à apprécier et respecter davantage une terre qui a tant à nous offrir

Dans son cheminement, il a compulsé les écrits de grands penseurs comme Théodore Monod avant de découvrir John Muir, un pionnier de l’écologie au destin singulier. Injustement méconnu en France, l’homme a décidé de voyager après avoir miraculeusement échappé à un tragique accident. Il a exploré vaillamment des contrées sauvages et hostiles et milité pour la conservation des espèces.

Après avoir lu ses œuvres traduites et carnets de voyage puis collecté près de 6000 images, Lomig est parti sur ses pas en Californie dans les parcs nationaux. Il a accédé à ses archives, son musée puis il a suivi de près sa trace, son aventure pour s’imprégner, ressentir, saisir la motivation de l’ écrivain américain. Le travail de recherches transpire à la lecture, il est colossal. Il a ensuite tenté de restituer son enthousiasme et son incroyable capacité à s’émerveiller.

Il narre ici sa première excursion en direction de la Floride en 1868, un périple de 1500 kilomètres au contact d’animaux et d’individus dangereux. Une expérience intense mais aussi une quête initiatique avec une dimension spirituelle et poétique évidente.

Pour coller au plus près des mots du naturaliste, il a adopté une technique lente et exigeante, un travail au crayon qui apporte de la douceur et une texture incroyable. Sa prestation graphique est sublime, détaillée , immersive et convaincante. On est immédiatement charmés et impressionnés pas ses panoramas et son admirable bestiaire.

Au cœur des solitudes est une formidable invitation à la contemplation, un hymne au vivant, qui nous remémore que la beauté est à deux pas pourvu que l’on fasse l’effort de prêter attention au monde qui nous entoure. Il nous exhorte à prendre le temps tout en plaidant pour une nécessaire reconnexion. C’est également un brillant hommage et une belle mise en lumière d’un précurseur à qui l’on doit beaucoup.

Chronique de Stéphane Berducat.

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