Après Iris, la guerrière à l’honneur bafoué déterminée à laver l’affront, Asia, la princesse psychopathe punitive, et Ariane, la mère de famille prête à toutes les vendettas, c’est au tour d’Irénis de conter son histoire dans ce quatrième et dernier opus de Titans, série-concept éditée chez Oxymore.
Issue de l’imagination du prolifique Jean-Luc Istin et de la créativité de Sébastien Grenier, l’univers de la série entière s’organise autour d’une trame identique : une femme affrontant un Dieu avec la puissance d’un Titan. Savamment déclinée au fil des tomes, l’idée met ici en exergue une enfant devenue esclave par la faute du souverain des mers, Poséidon. Gihef, au scénario, tisse brillamment une histoire palpitante où les hasards s’entremêlent aux fils des Moires. Une mise en page dense alliée à un découpage efficace, alternant vignettes rectangulaires aérées et pleines pages saturées, rendent la lecture très agréable.
L’album s’ouvre sur les forges d’Héphaïstos où un vol vient d’être commis ; Poséidon, sous sa forme humaine, vient de s’emparer d’un artefact magique en forme de trident miniature et qui permet de créer tempêtes insondables et vagues gigantesques. Le voleur, poursuivi, embarque sur le vaisseau d’une paisible famille de marchands de Lemnos… Plus tard, seuls rescapés d’un cataclysme marin engendré par Héphaïstos et Poséidon, Irénis enfant et son cousin errent dans le port d’Athènes ; pour quelques piécettes, il la vend comme esclave. Débute alors le processus de rétorsion de la demoiselle !
Déjà impulsive et vindicative enfant, la belle opiniâtre devenue adulte n’est pas du genre à se laisser faire ; de la cour d’Agamemnon, puissant et terrible roi de Mycènes, où elle chevauche dans les airs les descendants de Pégase, jusqu’à la forêt d’Hitiléa où elle apprend à gérer ses pulsions colériques avec Dryak, archer aveugle aux capacités démesurées et mentor impitoyable, Irénis parfait sa rancune et médite sa vengeance. C’est elle qui la conduira aux confins du Tartare, la prison des Enfers, où sont retenus captifs les dieux déchus et les héros bannis, pour y rencontrer le roi des Titans…
Sous le crayon de Zivorad Radivojevic, c’est le monde d’Irénis qui émerge, subtil mélange de mythologie grecque et d’heroic fantasy. L’intrigue est mise en valeur par un trait réaliste dynamique et un travail sur les détails remarquable. L’héroïne est croquée sous tous les angles, jusqu’à la multitude de tresses qui constituent sa chevelure. Les éléments de mythologie sont revisités mais immédiatement lisibles comme les Moires constituées de fil d’arachnides ou les eaux noires du Styx. Les décors, urbains comme naturels, sont riches et pleins d’éléments à observer ; tout comme les costumes et les armes, finement rendus.
La palette d’Arif Prianto, coloriste de toute la série, est à la fois un fil conducteur bienvenu et un plaisir à chaque tome. Les couleurs choisies sont aussi sombres que le propos est lourd et se déclinent dans cet album du vert foncé des sous-bois aux marrons orangés des profondeurs terrestres en passant par le gris bleuté de l’océan grondant ; le tout illuminé par d’habiles éclairs de bleu, de blanc, de doré…
Clôture en beauté d’une série inhabituelle, mêlant imaginaire antique et quête fantastique, Irénis est un ultime tome qui tient drôlement ses promesses !
Chronique de Louna Angèle.

© Oxymore, 2025.