Il était une fois l’escalade

Je suis probablement subjective, étant moi-même une grimpeuse, mais à chaque fois que je vois quelqu’un en pleine ascension, j’ai les mains pleines de sueur. Il faut dire que dans ce sport, « c’est contre la voie que l’on se bat, pas contre les autres ». J’étais donc impatiente de tenir entre les mains Il était une fois l’escalade, aux éditions du Mont-Blancles arènes Bd, d’autant plus que cette bande dessinée a nécessité quatre ans de travail. Et je ne suis pas déçue. Il s’agit d’un superbe ouvrage augmenté d’un glossaire, d’un panthéon des grimpeurs actuels, d’une bibliographie, et d’un atlas des sites mondiaux les plus célèbres, précieux pour mesurer la grandeur et la difficulté des ascensions réalisées. La couverture texturée, rugueuse comme celle d’une prise, ajoute un cachet à la fois classe et original à l’album. Très à jour, il nous raconte l’histoire de l’escalade jusqu’aux Jeux Olympiques de Paris. Les auteurs ne sont rien de moins que la mythique alpiniste Catherine Destivelle accompagnée au scénario de David Chambre, un des premiers grimpeurs professionnels et grand spécialiste de l’escalade ; de Laurent Bidot dessinateur aguerri, et de la coloriste Clémence Jollois (tout deux ont déjà travaillé ensemble à Après la rafle, BD multi-primée). L’historique est très complet, il regroupe de nombreuses histoires à couper le souffle et fourmille d’explications. De quoi se régaler à petit feu en lecture comme en découverte des planches dessinées, très réalistes.

Les humains grimpent depuis des temps très anciens, pour s’abriter des prédateurs comme pour chercher des mets précieux, miel ou œufs récoltés dans des nids perchés au sommet de parois ou de grottes. Mais ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle que l’escalade ludique et sportive prend naissance, avec le début de l’escalade libre (sans piolet ni pitons) et du bloc (boulders en anglais) – Fontainebleau constituant un patrimoine inestimable pour cette discipline. En Angleterre, Allemagne, Italie et bien sûr dans les Alpes, les sommets sont peu à peu gravis. De nouvelles voies de plus en plus exposées sont créées, entre prises limitées au mono-doigt et « gratons », jetés (sauts vers le haut), dévers et toits (suspendus à l’horizontale)… C’est bien simple, si les premières voies franchies ne dépassent pas le 6ème degré, chaque génération progresse vers un degré supérieur – parfois au prix de chutes mortelles. L’italien Reinhold Messner rêve du 7ème degré, et sera le premier à gravir les 14 montagnes du globe de plus de 8 000 mètres ! Le continent américain entre dans la danse, et la vallée du Yosémite devient un autre lieu mythique, avec le célèbre Nose, haut de 900 m. Patrick Edlinger et d’autres donneront des sueurs froides aux spectateurs en grimpant en solo (sans aucune protection!). Catherine Destivelle, la libellule du rocher, ne sera pas en reste en réussissant de nombreuses premières féminines. Les salles d’escalade se démocratisent, les compétitions se développent : le sport devient enfin en 2021 une épreuve aux JO !

Il faut le dire, les postures sur la falaise sont très photogéniques. Le dessinateur nous délecte de corps dans les positions les plus extrêmes, bras tendus, équilibre tenu par la pointe des pieds et par une gestion ultra-précise de son centre de gravité. Le look du grimpeur évolue au fil du temps, la sécurité aussi, heureusement ! On tremble à la vue des vieilles cordes en chanvre qui ont causé la mort de nombreux varapeurs… Les sites d’escalade sont magnifiques, par leur verticalité comme par leur nature sauvage. On sent presque le vent nous effleurer dans les gorges du Verdon ou le massif du Luberon.

En conclusion, cet album très complet donne l’occasion de plonger dans toutes les facettes de l’escalade, la promesse d’un bel été de lecture. C’est aussi l’occasion de saluer nos françaises qui ont accompli des performances exceptionnelles cette année ! Oriane Bertone est médaillée d’or en bloc au classement général 2025 ! Quand à Laure Pineau, elle a réalisé avec l’Américaine Kate Kelleghan la première féminine de la triple crown au Yosemite : 3 voies gigantesques enchaînées en 23h36 min, soit au total 2 200 mètres de grimpe, 30 km de marche, et 2 000 mètres de dénivelé positif. J’en ai des frissons tellement l’exploit est incroyable ! Bravo Mesdames, Catherine Destivelle a de dignes successeuses !

Chronique de Mélanie Huguet.

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© Les Arènes BD / Les éditions du Mont Blanc, 2024.

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