THE SONG ABOUT GREENE T1 et 2

Lu Lin, jeune taïwanaise de vingt et un ans, part faire ses études à Tapei, capitale « de facto » de Tawaïn. Elle quitte son village natal, situé à quarante minutes de la capitale, où elle avait pour habitude de flâner le long de la plage et de prendre des photos de ses découvertes, parfois surprenantes comme des ossements, une carapace de tortue et une baleine échouée…

Elle est sage, quelque peu naïve, solitaire et sérieuse. En somme, une élève studieuse.

L’héroïne a des velléités de devenir romancière. Elle a pour cela soumis un premier texte, intitulé « Rivage », au prix littéraire de Tapei, texte qui n’a pas malheureusement pas été retenu.

Cependant, les études la motivent peu et elle brille par son absentéisme à l’université.

Ainsi, déambulant dans Taïwan, elle rencontre Nanjun Jian, un musicien qui se produit dans une salle nommée Kafka by the sea, en référence à l’œuvre d’Haruki Murakami. Les deux ont des passions communes : la culture japonaise, Haruki Murakami et la musique. Lu découvre le groupe Kaze Wo Atsmumete et son charismatique chanteur Haruomi Hosono. Cette rencontre sera déterminante pour la jeune taïwanaise qui vivra ses premiers émois musicaux, mais aussi amoureux. Avec Nanjun, elle assistera au concert de Kaze Wo Atsmumete, pour lequel elle développe une vraie passion.

Bouleversée, la jeune adulte veut essayer de comprendre ses nouvelles émotions, tenter de les décrire et les romancer sous forme de journal intime, qu’elle diffuse sur un réseau social.

Ainsi, elle évoque ses doutes, ses attentes, l’amour naissant, la transcendance liée à l’écoute de la musique,

L’œuvre, à l’image de Lu Lin, est très contemplative. L’action est quasiment absente mais l’autrice sait, par sa maîtrise de la narration, nous captiver à travers les interrogations et inquiétudes de son personnage, qui lui ressemble beaucoup. Nous prenons le temps de regarder les paysages, les habitations. A l’instar de Murakami, Gao Yan veut nous faire éprouver la mélancolie et la poésie de la banalité quotidienne.

Les références sont nombreuses et les coïncidences multiples : Kafka sur le rivage, la ballade de l’impossible de Murakami, dont le prénom de l’héroïne Midori Kobayashi s’écrit avec les mêmes caractères que celui de Lu Lin.

La lecture de ce roman est l’occasion pour les lecteurs occidentaux d’appréhender une autre culture.

Nous pouvons l’aborder sous l’angle d’une étude sociologique de la jeunesse taïwanaise, enfin d’une certaine catégorie, privilégiée et cultivée, mais aussi autocentrée, ayant peu de soucis matériels et n’étant pas engagée dans la cité.

Néanmoins, peu au fait de la culture asiatique et plus particulièrement taïwanaise, je me garderai de faire des généralités.

La bédéiste, Gao Yan, comme son héroïne, est née à Taïwan. Elle a 29 ans. Elle aussi rêve du Japon. Elle commence sa carrière d’illustratrice pour des éditeurs taïwanais et japonais avant de produire une première version de The song about Green, auto-éditée, qui fera 32 pages. Le romancier Murakami la découvre et lui propose d’illustrer la couverture d’un de ses livres. La version définitive de ce manga, atteignant 500 pages paraît en 2022, simultanément au pays du soleil levant et dans son pays natal. L’œuvre paraît en France 2025 grâce aux éditions Sakka (branche manga des éditions Casterman).

Son trait est réaliste, fin, détaillée et magnifique. Elle sait retranscrire les émotions en travaillant tout particulièrement sur les visages. Cependant, à l’image de la jeune femme, le dessin reste sage et ne sort pas des cases.

Les jaquettes des couvertures sont très réussies. Je vous recommande de vous attarder sur les illustrations des sommaires (semblables aux planches d’anatomie) et des pages de garde des différents chapitres, où l’artiste déploie tout son talent.

The song about green est une œuvre originale, exigeante. Elle plaira aux adulescents pour les thèmes abordés et le traitement des émotions, difficile à exprimer et à reconnaître. Les autres lecteurs d’un certain âge y trouveront également leur compte : pour le dessin, les références culturelles, les thèmes abordés (les émotions, les sentiments, le passage à l’âge adulte) et la découverte d’une autre culture.

Chronique de Gedeon Groidanmamaison et Cassandre.


© Casterman, 2025

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