La terre verte, c’est un bijou, un bouquin épais et brillant qui associe l’écriture impeccable d’Alain Ayroles et les illustrations sublimes d’Hervé Tanquerelle rehaussées avec talent par la lumineuse Isabelle Merlet et Jérôme Alvarez. C’est une création éditée par Delcourt dans sa collection Mirages.
Si on ne présente plus l’auteur des Indes fourbes , de « Garulfo et De cape et de crocs, on se réjouit de retrouver son cynisme et son ton incisif et percutant. Quel bonheur de se délecter du savoir-faire de ce ce génial scénariste en parcourant cette épopée fabuleuse qui s’étale sur 264 pages, une aventure captivante qui sent le souffre et hume bon la tragédie Shakespearienne.
Dans cette réalisation, il explore l’âme humaine, campe des personnages singuliers et nous propose une héroïne renversante, la valeureuse Ingeborg.
En août 1492, il nous embarque en direction d’une terre glacée, misérable au côté d’acteurs intrigants et singuliers qui se dévoilent au fil des pages grâce à une présentation à la fois subtile et élaborée.
Ils naviguent en direction du Groenland, le Graal de Dom Mathias un missionnaire en quête de croisade et de reconnaissance accompagné d’un redoutable anglais au sarcasme facile aussi maléfique et méchant qu’ambitieux et irrésistible. Arrivé à destination, l’équipage trouve une armée défraîchie, une garnison de fortune . Une narration en cinq actes se dessine alors. Pleine de rebondissement, elle nous aspire littéralement, nous désarçonne et nous happe. Impossible alors de ne pas aller jusqu’à la fin grâce à une intrigue tonitruante.
Avec ce récit, on revisite les mythe de l’arrivée des premiers vikings et celui du trésor d’Erik le Rouge mais la suite inattendue est aussi exceptionnelle que rocambolesque.
Côté dessin, Hervé Tanquerelle, expert de ce territoire inhospitalière livre une impressionnante prestation graphique avec un soin particulier pour les décors immenses, impropres à la vie et les personnages aux expressions poussées. Les couleurs ravissantes et variées, les effets de lumière habilement restitués nous escortent dans un excitant voyage.
La terre verte, c’est une BD convaincante, noire et géniale, dépaysante, une tragédie grâce à laquelle le bédéiste explore les tréfonds de l’âme humaine, il y est question de domination, d’avidité, de pouvoir, de résurrection, bref, des thèmes universels qui ne prennent pas une ride. C’est un projet enthousiasmant mis en cases avec adresse, idéal pour passer un bon moment de détente. Il figure parmi les titres sélectionnés par l’ACBD dans le cadre des indispensables pour l’été ce qui est largement mérité. Bonne lecture.
Chronique de Stéphane Berducat.


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