Vague de froid, le premier récit de Jean Cremers, nous emmène en Norvège. Une autofiction où l’on retrouve l’auteur et un de ses frères. Une année plus tard, il publie Le grand large, un périple initiatique où l’on accompagne Léonie poussée sur une barque vers le grand large à la découverte de la vie. Aujourd’hui arrive Après l’orage, une histoire percutante sur la toxicité que peut avoir un conjoint au sein du couple. Trois réalisations des éditions Le Lombard.
On discerne toujours des plans d’eau dans les BD de Jean Cremers. Le précieux élément apparaît au fil des pages sous la forme de mer, de lac, de rivière, de glace ou de pluie. Dans son dernier ouvrage, il flotte abondamment, qu’on en vient à supplier que le soleil perce les nuages. Que je souhaite un tel événement est plutôt étonnant, ceux qui me connaissent savent à quel point je fuis le soleil et la luminosité.
Hélène passe régulièrement voir ses parents. Aujourd’hui, alors que débute une averse, elle s’y rend à l’improviste. L’ambiance est chargée, la jeune femme perçoit une certaine tension. Depuis un certain temps sa mère a des soucis de santé. Elle perd progressivement la mémoire, Alzheimer la guette. Son père, quant à lui, s’est muré dans le silence. Las, il s’enferme dans son atelier pour sculpter. Malgré son état et ses pertes de mémoire, sa maman se rend bien compte que leur fille n’est pas là uniquement pour prendre de leurs nouvelles. Au cours de la soirée, Hélène reçoit d’incessants messages de son compagnon, qui l’accable de questions. Son malaise est palpable.
La météo, déjà peu clémente à son arrivée, se convertit en déluge. Harcelée sans relâche par son mec, elle prend la décision d’écourter la visite et de s’en retourner chez elle. Malheureusement, toutes les routes sont coupées et les autorités locales conseillent aux habitants de rester chez eux. Paniquée, elle se résigne à attendre une accalmie. Cantonnée dans sa chambre, elle se retrouve face à son voisin à la recherche de son chat. Effrayé par les intempéries, il a pris la poudre d’escampette. La petite bête finit par se réfugier chez la demoiselle, ce qui l’amène à faire plus ample connaissance avec son propriétaire.
Luc a loué cette maison pour y faire un break avant de rejoindre ses enfants dans le sud de la France. Hélène, bloquée dans la propriété familiale, commence à se confier à lui. A cause de son absence, elle subit les interrogations véhémentes, mais aussi le regard lourd et affligé de ses proches. Cet homme bienveillant, qui a traversé des épreuves marquantes ces dernières années tente de la rassurer et de lui ouvrir les yeux sur sa situation. La violence conjugale ne doit pas être une fatalité en soi !
Jean Cremers décrit avec sensibilité et pudeur ce qu’accomplissent les réprobations que peut nous infliger l’être aimé, qu’elles soient verbales ou physiques. Hélène endure les deux. Elle s’imagine en être fautive et elle est convaincue qu’elle mérite ce qui lui arrive. Lorsqu’elle reçoit les textos de son bourreau, elle se confond en excuses et explications. Cela n’a aucun sens et ne sert à rien, l’être narcissique de l’autre côté du téléphone n’écoute rien, n’entend rien. Persuadé d’être une victime, il insiste. Il n’est pas aisé de s’en sortir et si on y parvient, les rechutes sont fréquentes.
Ce qui m’a le plus étonnée en lisant cette bande dessinée, c’est l’atmosphère silencieuse qui la traverse. Si le sujet est impitoyable et délicat, le graphisme de l’artiste d’une douceur redoutable, enduit les blessures et les stigmates d’un baume cicatrisant.
Si vous vous apercevez qu’à la fin la bande dessinée est humide, ce ne sera peut-être pas forcément la faute au mauvais temps…
Chronique de Nathalie Bétrix

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