Les incroyables aventures de Gribouillis

Il était une fois, dans un pays peuplé d’étranges zigotos, un pèlerin natif du sud qui inventa des fables enchanteresses et époustouflantes. En 1993, Turf débute sa grande saga La nef des fous avec « Eauxfolles ». Après quatre tomes et un hors-série Le petit Roy, l’artiste fait un break et élabore en 2003 le one-shot Les incroyables aventures de Gribouillis. Vingt-cinq ans plus tard, l’album étant épuisé, les éditions Delcourt décident de le réimprimer !

Lors de sa première publication, le recueil était orné d’une couverture flamboyante et l’on y découvrait le héros, Gribouillis. Cette nouvelle mouture a perdu quelques centimètres et, est passée du rouge-orangé à une jolie teinte mauve. Une couverture qui m’a remémorée celle du roman de Nail Gaiman Coraline parudans la collection Wiz d’Albin-Michel Jeunesse. Une similitude que j’apprécie vivement. Il y a des univers que j’affectionne tout particulièrement. Ceux des films de Tim Burton ou celui de La cité des enfants perdus des réalisateurs Marc Caro et l’incontournable Jean-Pierre Jeunet. Cette réalisation loufoque qui mêle fantasmagorie et humour, je l’ai retrouvée dans les bandes dessinées de Turf : La nef des fous, Magasin sexuel et Le voyage improbable.

Les incroyables aventures de Gribouillis est un ovni parmi ses œuvres. Il a mis de côté ses pinceaux colorés, pour un trait tout de noir vêtu. Le visuel est semblable à un vieux journal jauni. Le personnage central est un barbouillage qui prend vie sous l’apparence d’un chien. Dépourvu de parole, il parcourt les pages à la recherche de l’individu qui pousse de petits gémissements. Pour y arriver, il traverse les pages aux allures d’anciennes revues, où sont stockés des objets animés. Ces derniers ne sont pas satisfaits de voir apparaître ce drôle de loustic, qui n’a pas, à leur regard, sa place ici. Tout ce beau monde est gouverné par un diable à ressort, qui s’empare de l’énergumène dans l’idée de l’offrir en cadeau de mariage à sa fiancée. Il s’ensuit une folle course poursuite où nos deux comparses cherchent à retrouver la demoiselle convoitée qui ne souhaite en aucun cas ces épousailles. Qui du canidé ou du bouffon va gagner ? Pour le savoir, il faudra traverser ardemment les couloirs du catalogue, ainsi que le labyrinthe qui constitue les appartements du démon.

Je n’aime pas faire de comparaisons ou déclamer que le travail d’un auteur me fait penser à ceci ou à cela. J’imagine que chaque créateur est certainement influencé par un congénère qu’il aime et apprécie. Si j’ai parlé de certains réalisateurs plus haut, j’ai perçu dans les courbes et les expressions dessinées le dynamisme des animés Mickey Mouse des années 1930-1940. Que Turf me pardonne, il sait à quel point j’aime son taf et que jamais au grand jamais ce que je souligne est en soi une critique.

Une chose est indéniable, je serai présente à la sortie du volume 14 de La Nef des fous et j’espère de tout mon cœur, que l’inspiration du bédéiste ne tarira jamais et qu’il me divertira encore de nombreuses années avec Clément XVII, Chlorenthe, Arthur, Ophélie, Ambroise et Igor XVII et avec toutes les fables qui verront le jour dans son esprit foisonnant …

Vive Turf, vive le Roy !

Chronique de Nathalie Bétrix


© Delcourt, 2025.

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