La fille aux cheveux turquoise

J’ai aimé ce petit format au papier glacé et à la finition très soignée, publié chez Editions Anspach. J’ai aimé qu’Elena Triolo me permette de découvrir une histoire à côté de l’histoire célèbre. J’ai aimé d’abord les grands yeux bleus candides de Giovanna… le trait doux et les couleurs légères ensuite…

Si vous pensez à cet instant que cet album est un titre de jeunesse, détrompez-vous ! « La fille aux cheveux turquoise » est un récit de vie. Plus précisément celui de la vie d’une muse.

Tout le monde ou presque a entendu parler de « Pinocchio », pantin de bois devenu petit garçon par la grâce de la magie de la Fée Bleue ; on connaît généralement moins son auteur, Carlo Collodi, ni ce qui présida à son écriture. C’est ce que la scénariste et dessinatrice, Elena Triolo, propose à son lectorat, bien loin de la franchise Disney et c’est tant mieux !

Avec délicatesse et élégance, l’autrice s’est donc emparée du contexte historique, l’Italie du XIXème siècle et jusqu’à l’époque contemporaine, et de la vie réelle de Carlo Lorenzini (Collodi pour nom de plume) et de son frère Paolo. Elle nous conte la rencontre réelle entre Carlo et Giovanna, un bel été, dans la propriété de campagne des Lorenzini, en Toscane. Lui est un auteur en mal d’inspiration passant deux mois chez son frère, elle, la fille du jardinier, une enfant candide à la chevelure si blonde qu’elle parait au soleil avoir des reflets bleutés…

Au fil du récit, on découvre les liens particuliers, étroits, indéfectibles qui se sont noués les années passant entre cet homme sans enfants qui ne s’était jamais vraiment remis de la disparition de sa petite sœur, et cette jeune personne pleine de vie et d’imagination qui aimait raconter des histoires.

Le dessin va à l’essentiel, le trait est réaliste et épuré avec des personnages aux grands yeux et aux expressions très lisibles ; les décors, sans surcharges, laissent l’esprit vagabonder sous le soleil italien… La mise en page, classique, permet étonnamment, malgré un petit format, une sensation d’espace ; le contour particulier des cases, très finement cernées de noir, y contribue également.

On suit de quelle façon la présence de Giovanna insuffle renouveau et magie dans la vie de Carlo et dans son œuvre aussi, puisque commencent à paraître les épisodes de « Pinocchio » dans le journal… et qu’une petite fée aux cheveux bleus y exauce des vœux…

L’album bascule à la disparition de Carlo avec un système de narration différent ; disparu, il est pourtant là, bien présent, à chaque page, emplissant les cartouches de ses réponses aux questions intérieures de Giovanna. Au long des pages les années filent, l’Italie évolue, Giovanna vieillit mais reste encore et toujours la petite fée de Carlo en racontant des histoires aux enfants… Espoir et résilience…

Ce bel album est une respiration aussi poétique que forte, un rappel que la magie est peut-être bien moins loin de nos quotidiens que nous le pensons… que parfois finalement, y croire, c’est déjà beaucoup…

Chronique de Louna Angèle.


© Anspach, 2025.

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