Depuis son lancement, Saga de Brian K. Vaughan et Fiona Staples est une série vraiment à part dans l’industrie du comic-book grâce à ses diverses inspirations matinées de science-fiction. Avec la traduction de ce douzième volume aux éditions Urban Comics, les créateurs en profitent pour souffler un peu et réaliser un état des lieux. Il est clair que la space fantasy aime s’alimenter en tranches de vie.
Le cirque, ça cocotte la poudre de maquillage et la barbe à papa. Ça sent la joie, l’insouciance et l’émerveillement. Alana, Hazel et Écuyer n’échangeraient pour rien au monde leur tranquillité de forains. Ils ont trouvé refuge auprès de saltimbanques itinérants.
Alana est la responsable sécurité du chapiteau, Hazel et Écuyer tentent d’aider à la technique. La représentation est aussi folklorique sur scène que dans les coulisses. À chaque jour suffit sa peine, la farce peut rapidement virer à la soupe à la grimace.
La mère célibataire éprouve de grandes difficultés à gérer ses gosses, Hazel et Écuyer traversent la sympathique phase de l’adolescence avec des changements significatifs.
Son p’tit bout de femme se rebelle, s’exprime sans filtres, se maquille et se lie d’amitié avec une pimbêche baptisée Émésis.
Plutôt introverti, Le frérobot a du mal à nouer des liens sociaux. Il souffre en silence et pratique l’automutilation. Un stage au camp de vacances de la Dent Venteuse (réservé aux gamins super tordus dans leur tête dixit Émésis) pourrait lui être bénéfique.
La situation n’est guère plus encourageante concernant leurs connaissances de longue date.
Petrichor se pinte la gueule H24 tandis que Testament et Gwendolyn Vez se mettent la tête en vrac à grands renforts d’Évapore. Passé du stade de dépressif à celui de loque humaine voire extraterrestre, il n’y a qu’un pas…
Chacun à son niveau est au bout du rouleau, la lose high level n’épargne personne. Des good vibes cosmiques finiront bien par inverser ce mauvais karma !
L’inimitable Brian K. Vaughan est en premier lieu un spécialiste diplômé en protagonistes, un amoureux de l’aventure humaine car Saga sert de journal intime à sa propre paternité. Il mêle l’anecdotique ainsi que le quotidien au fantastique, l’environnement SF ne sert qu’à enrichir les ressorts dramatiques. Le titre suit son p’tit bonhomme de chemin en essayant de répondre aux questions existentielles. Le scénario est généreux, bien rédigé. À tout moment, l’intrigue peut partir dans une direction pour finalement aller à l’opposé. Les interactions entre les personnages sont exquises, les dialogues touchent la corde sensible. Vaughan aborde la variété thématique avec habileté qu’elle soit d’ordre ethnique, religieuse, culturelle ou sexuelle. Ce cocktail scénaristique lui permet de développer des trésors d’ingéniosité. Saga est une expérience de lecture géniale née de l’imagination d’un auteur globe-trotter profondément philosophe.
Je l’avoue, j’ai le coup de foudre pour Fiona Staples. Je suis séduit par son dessin charmeur qui transpire la virtuosité et la sensibilité féminine. L’artiste croque un univers graphique extraordinaire à dessiner sans omettre de lui insuffler une dose massive d’énergie. Le crayonné se déploie avec aisance, son story-board faussement basique s’épanouit dans une composition de une à six cases par planches afin de porter l’histoire à des sommets de clarté visuelle. L’orientation du découpage d’une vignette à la suivante découle de façon naturelle et agréable. Les pages sont encrées puis nettoyées digitalement afin d’obtenir un rendu propre et soigné. L’artiste bombarde ses illustrations de couleurs numériques saturées, hyper-brillantes et flashy. Fiona Staples attire par la beauté de ses images.
Cette épopée familiale et romanesque estampillée Urban Comics offre un excellent tome de transition, Saga suffit à remplir de bonheur le cœur du lecteur.
Chronique de Vincent Lapalus.

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