Erkin Azat Lanceur d’alerte des camps ouïghours

Erkin Azat Lanceur d’alerte des camps ouïghours c’est un roman graphique bouleversant édité par Delcourt dans sa collection Encrages, une bande dessinée qui met en lumière la souffrance des populations turcophones victimes d’ un régime politique chinois autoritaire, brutal et ségrégatif.

C’est un livre qui nous éclaire sur une situation longtemps passée sous silence au nom d’intérêts économiques évidents, d’une forte pression sociale et d’une censure qui bâillonne jour et nuit grâce entre autre à sa fameuse muraille virtuelle.

C’est également et surtout une BD qui nous explique un cheminement, celui de son auteur , un ingénieur sino kazakh brillant, Riiem, désormais connu sous son pseudonyme, Erkin Azat, un garçon courageux, engagé qui a décidé de rompre le silence, de recueillir la parole des survivants des camps de rééducation et de les diffuser massivement au péril de sa vie et de celle de ses proches.

Menacé, l’homme s’est exilé en France en 2019 . Depuis, il tente de faire connaître la situation à travers les réseaux et par le biais d’ interventions ciblées. Il témoigne inlassablement.

Avec son éditrice, et la dessinatrice Luxi, il a choisi d’utiliser le format BD pour toucher un large public et c’est plutôt réussi.

Dans ce récit autobiographique en trois parties, il nous offre une vision de l’intérieur extrêmement intéressante. Il décrit parfaitement un flicage systématique, une parole muselée, des habitants tenus en laisse, et un système qui assure la domination des han, méprise les origines, les religions, assimile sous la contrainte, surveille, harcèle, persécute et exclut.

Par le biais d’un ancêtre fameux, il raconte comment le PCC, à l’instar des autorités russes ont réécrit l’histoire de la région autonome du Xinjang.

Il explique enfin sa réflexion, ses motivations et sa décision de mettre à profit ses compétences au service d’une association dans un premier temps puis tout seul afin de dénoncer des exactions et maltraitances psychologiques et physiques trop longtemps étouffées.

Il signe ici un opus qui nous fait passer de la sidération à la colère, un ouvrage éclairant et émouvant.

Il n’est pas anodin de retrouver Luxi au dessin, une jeune artiste qui a débuté dans le neuvième art avec un premier album lumineux édité par Sarbacane Les enfants du rêve Chinois. Dans ce dernier, elle exposait judicieusement les problématiques de la société chinoise rurale, la répression, le conformisme et le durcissement politique du régime.

Sa prestation graphique est ici glaçante, épurée et efficace. Elle utilise un découpage rigoureux, un cadre strict qui colle parfaitement à la rudesse des propos, un dessin naïf mais sans concession. Elle parvient à l’aide de rares couleurs à instaurer une ambiance anxiogène et malaisante.

Erkin Azat Lanceur d’alerte des camps ouïghours est un livre militant, perturbant, un acte de résistance important. Les auteurs génèrent une prise de conscience, un rappel fracassant de l’ampleur des discriminations en partageant des témoignages effroyables . À sa lecture, la réalité nous saute au visage et nous interpelle durablement. Dans l’empire du milieu, les libertés fondamentales sont bafouées, le harcèlement des minorités ethniques est une triste réalité, un véritable scandale, une honte pour l’humanité.

Chronique de Stéphane Berducat.


© Delcourt, 2025.

Laisser un commentaire