Dans ce récit autobiographique, Briana Loewinsohn revient dans la maison de son enfance et essaie de se remémorer ses souvenirs, flous et douloureux.
Elle a grandi avec une mère malade mentalement (dépression, bipolarité ?), souvent absente, qui la laissait régulièrement seule avec son frère. Les rapports avec celui-ci sont inexistants. Elle s’ennuie et souffre de cette solitude. Elle n’attend qu’une chose, le retour de sa maman, mais lorsque celle-ci est présente, c’est pour s’occuper des plantes et du jardin. L’autrice se souvient d’être terrifiée par cette femme qui rejette la faute sur sa fille et la fait ainsi culpabiliser.
Les dialogues sont rares, tout comme l’action. Le temps semble s’étirer à l’infini. L’artiste veut nous faire éprouver, à l’aide d’une narration redoutable, la souffrance générée par la solitude, l’abandon, l’absence d’investissement de la part de sa génitrice. La communication ne se résume à presque rien, la maison est vide, la vie y est tout simplement absente.
En revenant sur ces lieux chargés d’émotions, elle essaie de comprendre sa mère, de lui pardonner. Elle cherche à réparer ce qui a été cassé. En effet, comment se construire, grandir sans affection, seule, sans cette première figure d’attachement qu’est censée incarner sa mère. L’échange imaginaire entre les deux femmes est émouvant et significatif : cette dernière lui confie qu’elle n’a jamais su faire dans un monde qu’elle ne comprend pas. La scénariste et dessinatrice ne juge pas, ne semble pas éprouver de ressentiment.
La créatrice s’attarde sur les fleurs et plantes et fait un joli parallèle entre les soins apportés aux végétaux et les enfants. Les deux ne poussent pas seuls. L’autrice évoque son inquiétude pour les plantes qui poussent sans égard, à l’instar des petits d’homme. Le titre de chaque chapitre est éloquent (terre, eau, lumière).
Le dessin est superbe, les couleurs, chaudes, avec une tonalité différente pour souligner le passé ou le présent, ajoutent à la mélancolie du texte. Le trait est délicat et épuré. Nous sommes ébahis devant les détails apportés aux fleurs et plantes. La qualité du papier ajoute à la magnificence des planches, ces dernières évoquant les illustrations des botanistes. Le soin apporté par l’éditeur Komics Initiative, son format pertinent fait de cette bande dessinée un magnifique objet.
Nous sommes en présence d’un récit intime plein de délicatesse, de nostalgie, mais aussi de subtilité qui ne laisse pas le lecteur indemne. L’approche expérimentale de la narration et le graphisme ne peuvent laisser insensibles. L’entretien avec l’autrice en fin de volume apporte un éclairage passionnant et laisse penser que Briana Loewinshon a réussi à se reconstruire, malgré son passé douloureux.
Chronique de Gédeon Grooidanmamaison et Cassandre.

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