« Quelle couverture prometteuse ! » me suis-je dit… une sorte de pantin tout en engrenages, en flexibles et en boulons, déclinaison de gris, relié à un cœur vert tendre translucide ; opposition entre la froideur du métal et la fragilité supposée d’un ventricule palpitant traversé d’une sorte de racine…
Mécanique contre organique.
Avec Un battement d’aile de papillon, Loïc Malnati a tissé, aux éditions Paquet un univers coloré et dense, tendrement poétique et steampunk, avec une pointe d’humour presque enfantin. L’auteur complet n’en est pas à son coup d’essai ! Tatoueur et dessinateur professionnel, il trempe dans la bande dessinée depuis deux décennies avec déjà à son actif des collaborations chez les Humanoïdes associés, la série de fantasy Anahire ou plus récemment « Les contes mécaniques ».
Je pourrais, pour le bel album qui nous occupe, décortiquer l’intrigue, détricoter tout le patient maillage mis en place par l’artiste mais ce serait comme vous dire que la poésie n’est qu’une histoire de rime ; ce serait parcellaire, incomplet, limité… Mieux vaut aller vous-même découvrir ce monde victorien et rétro-futuriste !
Qui sont ces petits êtres verts qui se capuchonnent et s’emmitouflent (on dirait moi, le soir, quand je me prépare à lire des BD !) pour ne pas mourir de froid ? Qui sont Epicure, Socri et Mandeville ? Qui sont ces pantins habités de minuscules chrysalides et qui semblent en pleine déchéance sociale et morale ? Que sont les chrysalides ? Pourquoi sont-elles là ? Qu’est-ce que Vapor Sordidum ? Pourquoi les pommes bleues, surtout réduites en compote brûlante, sont le plus souverain des remèdes ? Pourquoi un ballon dans une vitre peut faire s’effondrer tout un système ? Pourquoi les meilleures intentions peuvent devenir contre-productives… ?
Le scénario, par moment un peu convenu mais néanmoins très efficace, est servi par un dessin fabuleux, fourmillant de détails. Les personnages comme les décors sont très travaillés, les pantins en redingote et chapeau haut de forme, l’architecture de la cité en volutes et entrelacs, les petites créatures vertes avec leurs grands yeux, la nature mécanisée, millimétrée, les papillons et la végétation peaufinés… Les couleurs habillent l’ensemble avec justesse et esthétisme. Les jeux de contrastes sont saisissants. La mise en page est limpide et aérée. Oserai-je dire que c’est, pour l’œil, une mécanique parfaitement et plaisamment huilée ?! Une mention spéciale pour les pages de gardes de chaque chapitre qui sont des bijoux d’illustrations steampunk, et pour les aquarelles délicates qui ornent les pages opposées.
Loïc Malnati signe avec cet opus une fable faussement naïve et terriblement actuelle si l’on veut bien filer la métaphore écologiste et humaniste. Graphiquement sublime, amusant, et surtout sensible et poétique, c’est une sorte de conte moderne pour petits et grands dont les dernières images engagent encore davantage à la réflexion sur le monde d’aujourd’hui…
PS : Je n’ai pas tellement de goût pour les étiquettes (même celle « coup de cœur »…) et je suis plutôt du genre grognon… mais je dois reconnaître que j’ai vraiment passé un très bon moment de lecture… Certaines planches mériteraient tout simplement d’être encadrées tant elles se suffisent à elles-mêmes… Et puis bon, de « culasse mal rodée » à « soudure poreuse » en passant par « gros oxydé », j’ai pu refaire mon stock d’insultes joliment imagées ! Ce n’est quand même pas rien !
Chronique de Louna Angèle
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