Destro de Dan Watters, Andrei Bressan et Adriano Lucas aux éditions Urban Comics redéfinit clairement le sens du mot capitalisme. Les gros requins industriels ont décidé de se bouffer la gueule mutuellement, les liasses de dollars servent à éponger les créances de sang.
James McCullen Destro XXIV est le big boss de M.A.R.S Industries. Depuis des générations, sa famille a fait fortune en vendant des armes et nouvelles technologies dévastatrices. L’homme au masque de fer est le leader incontesté dans le domaine. Il est riche à milliards et surtout blasé. Mais qu’est-ce qui peut bien le pousser à sortir de son lit le matin ?
Destro se plaît à écraser ses concurrents, pulvériser ses ennemis afin de maintenir sa place au sommet et ainsi contrôler la plèbe. Pour lui, rien n’est aussi excitant que le business de la mort !
Les jumeaux Tomax et Xamot Paoli d’Extensive Entreprises entrent en scène en semant un sacré merdier. Ils sont ambitieux et en ont les moyens. La doublette maléfique lance une OPA agressive sur M.A.R.S. Industries. Tous les coups sont permis peu importe le montant de la «douloureuse». Destro se jette dans l’arène avec délectation, voilà enfin des adversaires dignes de son calibre.
Le mania joue à qui a la plus grosse avec les Paoli mais à trop avoir les dents qui rayent le parquet, il risque d’y laisser quelques chicots ou de se péter le casque. Sans compter que son entourage complote contre lui, on est jamais mieux trahis que par les siens.
Le vil crotale Cobra Commander tient le rôle d’arbitre et compte les points, il serait en mesure d’instaurer une trêve voire de créer une coalition entre les méga-corporations. Ça ne sent mauvais que pour le camp des gentils…
Dan Watters rédige les tribulations du deuxième antagoniste emblématique de la licence Hasbro, force est de constater que le bougre n’y va pas avec le dos de la cuillère. L’auteur crache ses valdas au travers d’un album gonflé à la testostérone en rédigeant une satire du libéralisme burnée et sans-pitié. Le récit mêle allégrement la réalité financière aux exactions de l’espionnage industriel en mode bourrin. L’intrigue déferle tambour battant, le casting est haïssable au possible et fait preuve d’une cruauté sans nom. Pas de capitulation ni de reddition, ce côté obscur de l’Energon Universe dépeint un monde sans foi ni loi où le billet vert règne en maître quitte à se torcher le cul avec. Destro est un pugilat jubilatoire du grand banditisme sur fond de mondialisation, l’action œuvre de concert avec la spéculation narrative
Le brésilien Andrei Bressan signe une mise en page charnue, le dessin est adipeux. Il se croque à l’aide d’un crayonné épais presque haché, les lignes se couchent sur le papier au rouleau compresseur. Il faut reconnaître que le bonhomme fournit un travail soigné concernant les arrière-plans, costumes, objets et véhicules. L’artiste privilégie les expressions corporelles et mimiques des personnages. Le découpage de l’album déferle au format cinémascope. Les grandes cases, gros et plans larges, pleines et double-pages abondent à chaque recoin. L’encre de chine s’applique de manière lourde et grasse. Adriano Lucas déploie une colorisation numérique flashy en optant pour des teintes primaires très vives et en jouant sur les contrastes de tons, le glacé percute le lumineux. Il se dégage des planches comme une bouffée d’hydrogène illustrative.
Ce thriller économique paru chez Urban Comics remplit son rôle de spectacle bête et méchant avec pour seul leitmotiv de défourailler le premier. «Les monopoles sont au libre marché ce que les dictatures sont à la politique», Serge Rouleau.
Chronique de Vincent Lapalus.

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