L’agent 303 est un voyageur stellaire, employé par le Planétarium Ghost Travel (PGT). Avec son scooter « spatial », il parcourt l’espace pour se rendre sur les planètes endormies afin de répertorier et préserver des traces de la culture des civilisations somnolentes. Les habitants de ces planètes sont plongés dans un sommeil sans réveil par les arbres de Tobias. Les individus, une fois « endormis » se transforment en arbre du sommeil. Ces végétaux produisent des baies rouges, qui contiennent les souvenirs des habitants. Il ne faut surtout pas les ingérer car elles sont toxiques. Cependant 303 est immunisé contre leurs effets. Il peut ainsi consommer à loisir ces aliments et découvrir les secrets des personnes disparues. Nous découvrirons au fil des pages qu’il semble y prendre plaisir. Son goût pour ces fruits n’est pas la seule chose que nous apprendrons sur ce mystérieux personnage. Il semble nonchalant, calme, refuse la pression, s’arrête en pleine mission pour se restaurer. Il communique lors de ces missions avec l’agent 505.
Sa ressemblance avec le Petit Prince de Saint Exupéry est évidente : il voyage dans l’espace, porte une écharpe et fait des rencontres. La rencontre est une thématique majeure de ce manga. En effet, sur ces mondes endormis, notre héros fait la connaissance de survivants. Certains ont conscience d’être seuls et abandonnés, d’autres vivent sereinement cette condition. Ces entrevues sont l’occasion d’aborder de manière subtile, intelligente et avec douceur des sujets comme la mort, le deuil, les souvenirs, l’abandon et la nostalgie.
Les chapitres alternent entre les confrontations, la présentation des personnages, de leur lien avec l’agent 303. Ce dernier, auréolé de mystère, prend de l’épaisseur au fil des pages. Grâce à l’agent 505, l’autrice, Sakana Sakatsuki, dont c’est la première œuvre aborde avec profondeur l’attachement et les sentiments.
Elle maîtrise parfaitement les codes de la narration. Elle prend son temps, à l’instar du héros. Le lecteur doit accepter de ne pas avoir les réponses immédiatement et se laisser entraîner dans une histoire très poétique. L’action repose sur les dialogues, les silences et les non-dits.
La partie graphique est également très bien menée : avec seulement quelques traits, l’artiste sait saisir les émotions complexes des personnages. Les paysages, souvent désertiques des planètes visitées sont sublimes, sans fioritures. La représentation de l’espace est astucieuse et immersive.
Une mention particulière pour les couvertures, qui sont très réussies avec les nuances de bleu, elles sont très représentatives de l’ambiance et du contenu du récit parfois contemplatif, toujours beau, jamais naïf. Ce manga m’a beaucoup touché par ses thématiques, mais aussi par le traitement et sa maturité. Pas de drame, des pleurs parfois, mais discrets. Il a obtenu un prix dans la catégorie « comics young adult » lors des Bologna Ragazzi Award (décerné lors de la foire du livre jeunesse de Bologne) en 2023. Cette histoire ne peut pas laisser indifférent le lecteur et fait forcément écho en chacun de nous. L’éditeur, Le Renard Doré, souhaite adresser ses ouvrages aux enfants et adolescents, mais les lecteurs adultes prendront énormément de plaisir avec Planétarium Ghost Travel.
Deux tomes compléteront la collection. Bonne lecture!
Chronique de Gedeon Groidanmamaison

