Sœur Justine est une jolie petite bonne femme au visage aussi rond que les grosses lunettes qui lui mangent le visage ; sa longue chevelure blonde, sagement lissée sous sa coiffe de religieuse, et son emploi du temps calé au millimètre et entièrement dédié à Jésus, ne laissent pas présager de la réalité de son quotidien ! Raule, au scénario, nous promène au fin fond de la campagne espagnole, de couvents en églises, de chapelles en cimetières, avec un récit aux multiples rebondissements, tandis que Fran Carmona s’amuse à créer des personnages cartoonesques, oscillant entre trait réaliste et expression des émotions façon manga. Les couleurs de Werner Sanchez apportent ce qu’il faut d’énergie pour peaufiner un rythme soutenu… presque endiablé !
Bon, si je veux être réglo, je dois quand même admettre que la couverture était déjà un bon indice : des morceaux de démon sanguinolents et une Sœur Justine à l’air remonté comme une pendule, sa coiffe de nonne maculée de jus de créatures maléfiques, m’avaient laissée comprendre qu’on n’allait pas causer tricot. Un peu comme dans la vignette, dès la deuxième planche, intitulée « étude ou temps libre » où Justine, en robe-chasuble et cornette, effectue des tractions sur une poutre, les jambes croisées et lestées d’un poids… on est loin des travaux d’aiguilles ! Idem pour celle intitulée « lecture » où Justine étudie « El libro de Soyga », un livre de magie du XVIème siècle, plutôt que les Saintes Écritures ! Je n’ai définitivement plus eu de doute sur sa double vie quand l’appel de Dieu s’est concrètement manifesté par un bip continu émanant de la croix autour de son cou. Signal d’appel du Saint Siège pour aller combattre le Malin ! Notre calme et dévouée Sœur Justine, munie de sa mallette d’exorcisme et accompagnée de Natas, sa chienne pit-bull, s’est alors muée en Sœur Calvaire 24 pour grimper dans sa petite voiture bleue et filer défier les forces sataniques ! Parce que oui, dans le monde imaginé par Raule, les succubes sont légion et les hautes sphères religieuses ont dans leurs manches des soldats qui prient à grands coups de crucifix.
Partie pour une quête plutôt « tranquille », elle s’est retrouvée épaulée par un exorciste musulman, Souleymane, une rencontre déterminante, et face à une puissance qui lui échappait. À partir de là, il est impératif que je vous laisse découvrir combien les religions peuvent avoir d’éléments en commun, ce qu’est l’ibbur, et ce que Sainte Hildegarde de Bingen vient faire là-dedans !
Publié chez Drakoo, cet album est annoncé comme un one-shot. Je dois avouer que je suis arrivée au terme de cette divertissante lecture en me disant qu’il était bien dommage qu’une suite ne soit pas prévue tant l’équipe créative qui a donné vie à cet opus a disséminé d’indices et de mystères à résoudre au fil des pages… Sans parler du cliffangher final !
Que vous ayez envie d’une promenade bédéphile teintée d’ésotérisme et d’humour ou que vous trouviez, simplement, qu’il est détendant de suivre une bonne sœur qui extermine les suppôts de Belzébuth à la sulfateuse, cette bande dessinée est pour vous !
Chronique de Louna Angèle.

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