La forêt d’Oreka

Il y a des personnes qui aiment le jour et il y a ceux qui préfèrent la nuit. Je fais clairement partie de cette deuxième catégorie. Je prends du plaisir à quitter mon domicile et à rentrer le soir de mon travail dans le noir. Paco Sordo a imaginé une histoire où la terre est partagée en deux. D’un côté, le soleil brille toujours, alors que de l’autre, le matin ne vient jamais. La forêt d’Oreka aux éditions Dupuis est un lieu magique !

Hannah, va pour la première fois passer l’été chez son papi. Il vit au fin fond du plus ancien bois de la planète. Les esprits de la forêt, du vent, de l’eau et différentes divinités y habitent depuis des millénaires. La gamine n’est pas enthousiasmée par ses futures vacances. C’est sûr, elle va s’ennuyer. Ses parents et son grand-père se veulent rassurants. Ils lui promettent qu’elle va s’amuser comme une folle et qu’elle se fera plein d’amis. Des amis ? Tu parles, elle a entendu dire qu’aucun enfant ne résidait dans la région. Son père et sa mère souhaitent rentrer avant le soir, ils repartent dare-dare.

Pendant que le vieil homme prépare la chambrée, il lui suggère d’aller se balader. Elle découvre un endroit bucolique et fantasmagorique. Elle y croise un écureuil qui parle, des canards qui font de l’haltérophilie et elle tombe dans un trou dont le propriétaire est un arbre bavard parti se promener. Elle fait la connaissance d’Infiniticochon, un porcelet stupéfiant, à qui on peut découper un jambon à déguster et qui repousse tout de go. La môme, pour terminer, se retrouve dans un minuscule village où elle est à deux doigts de piétiner des gnomes. Saperlipopette, quel endroit déroutant ! Hurlant et gesticulant telle une cinglée, Hannah détale pour rejoindre son grand-papa. Il se veut réconfortant et lui assure que tout cela est normal. Il lui certifie que tous ces êtres féeriques sont aimables et bienveillants. Que nenni, Roland le plus jeune des lutins, 120 ans quand même, n’a pas du tout envie de faire copain-copain. Déboussolée, elle ne souhaite plus qu’une seule chose, retourner dans ses pénates.

Tous ces « fabuleux » semblent malgré tout vouloir lui faire un bon accueil. Ils ont bien connu sa maman qui a grandi avec eux. S’ils regrettent son départ pour la grande ville à l’âge adulte, ils reconnaissent en elle leur camarade. Son aïeul, lui raconte par quel moyen il est devenu avec sa grand-mère, le gardien de ce territoire et comment l’esprit de la forêt leur a offert la fertilité. Ce coin du pays avait rejeté tous les humains. Le maître des contrées, a cependant accepté qu’ils restent, parce qu’il a vu en eux des personnes de confiance et il a compris qu’ils ne les mettaient pas en danger. Depuis, ce beau monde navigue en toute harmonie et ça laisse à penser que rien de tout cela ne pourra être altéré.

Mais dans ce paysage où évoluent des créatures enchantées, l’union est fragile et la venue de cette mortelle va tout chambouler.

L’auteur est né à Santa Maria dans la province de Cadix. « La belle de Cadix a des yeux de velours, chica-chica-chic, ay-ay-ay », oups, pardon, je me suis égarée. Il étudie le cinéma d’animation et travaille dans divers studios en Europe. A l’instar d’un certain nombre d’artistes, il bifurque un jour dans le domaine de la bande dessinée. Il illustre des romans pour la jeunesse avant d’entamer en 2021 la série Nico dans la collection BD kids chez Bayard. Graphiquement, j’ai beaucoup aimé les personnages ubuesques tout en rondeur avec de grands yeux expressifs. Le cadrage est agréable et varié, il donne un dynamisme indéniable à l’album. Le papier mat réhausse les couleurs flashy de ses planches. Ce premier tome est une réussite, qui ravira les grands et les petits.

L’être humain est naturellement méfiant et par définition il n’apprécie guère ce qu’il ne connaît pas, Hannah met les pieds dans un univers impitoyable où elle vivra d’improbables rencontres. Et si, à l’image d’Hannah, nous ouvrions notre esprit et notre cœur aux autres ? Allez, ne faites pas la moue, vous en êtes capables…

Chronique de Nathalie Bétrix


© Dupuis, 2025.

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