Les créatures malfaisantes surgissent en meute dans la culture populaire, la plus emblématique d’entre elles n’est autre que Dracula. Les éditions Urban Comics lancent en grand format le premier titre de la collection Universal Monsters, le célèbre nosferatu s’y prête à merveille. James Tynion IV accompagné de Martin Simmonds s’emparent de l’œuvre de Bram Stoker et plantent leurs canines dans la jugulaire de la littérature britannique.
R.M. Renfield est un jeune clerc de notaire parti pour les contrées obscures de la Roumanie afin de clôturer une affaire de haute importance. Son retour en Angleterre sur le Demeter fut houleux, l’intégralité de l’équipage a péri. Seul survivant, il a été envoyé d’office à l’hôpital psychiatrique. Renfield est un déséquilibré mental bon à enfermer.
Le chargé d’étude, aliéné, clame haut et fort son admiration pour son soi-disant maître. Ce cas clinique intéresse particulièrement les cercles fermés de la médecine moderne. Le psychologue John Seward entreprend de soigner le malheureux par tous les moyens à sa disposition.
Dans l’intervalle, une bête rode dans les rues de Londres. Elle se repaît d’hémoglobine, vidant ses proies de leur sang. Les dépouilles arborent deux incisions très nettes à la base du cou.
Le dix-neuvième siècle est devenu une période de science et de raison, la démence ou les croyances n’y ont plus leur place. La pauvreté touche la population, le monstre frappe sans distinction de la fange jusqu’à l’aristocratie. Le doux nectar carmin est à portée de main à chaque recoin.
La fille du thérapeute et sa meilleure amie Lucy sont tombées sous l’emprise d’un comte transylvanien. Elles sont touchées par une étrange maladie hémopathique. Le clinicien fait aussitôt le rapprochement entre les deux événements.
Le professeur Abraham Van Helsing entre en jeu et lance John Seward dans une lutte illusoire face à un damné, un rejeté de Dieu pour sauver Mina victime d’un maléfice dont seul le trépas du revenant pourra la libérer.
Comme le dit James Tynion IV en préface de l’album : «Qu’on m’autorise, même à ma toute petite échelle, à imprimer ma marque sur un mythe qui m’a lui-même marqué de manière si indélébile… celui-ci me tient profondément à cœur». Il se réapproprie cette icône universelle et intemporelle en pratiquant des coupes franches dans le matériau originel pour insérer l’intégralité de son script en un one-shot. L’auteur s’écarte du genre épistolaire pour rédiger l’histoire à la troisième personne. Ce mécanisme scénaristique lui permet de mieux décrire l’action, les pensées et interactions entre les personnages. Il s’engouffre avec exaltation dans la thématique du vampirisme tout en maintenant le rythme et le suspense. La narration reste linéaire mais le but est de garder la saveur et le ton de ce roman fantastique par excellence. L’antagoniste principal se veut mutique et charismatique. Le bédéiste conserve sa personnalité ainsi que sa complexité. Ce parti-pris lui assure un charme démesuré à l’épreuve du temps. La légende perdure par le biais de James Tynion IV et son écriture.
Martin Simmonds, en digne fils spirituel de Bill Sienkiewicz, explose dans l’expérimentation graphique grâce à une mise en scène impétueuse et lyrique. Le trait schématique tire sa pleine puissance dans la matière, les lignes et couleurs du style peint. L’artiste mélange différentes techniques, effets visuels pour associer le classicisme au psychédélisme. Le découpage brise les cadres ainsi que les perspectives. Il se conçoit dans un pur esprit d’ambition et de créativité à l’aide de compositions peu conventionnelles en bande dessinée. Le travail au pinceau permet à Simmonds d’éprouver un certain plaisir à croquer un dessin charnel à l’instinct sensuel. L’illustration se laisse submerger par le graphite, l’encre de chine, la gouache, l’huile siccative, l’acrylique, les pastels et rehauts.
Le duo infernal déjà responsable de The Department of Truth produit une adaptation honnête, respectueuse portée par une imagerie ne manquant pas de mordant. Après un passage au sein de la perfide Albion, je vous invite pour les jours à venir aux confins de l’Amazonie car il paraîtrait que L’Étrange Créature du lac noir vit toujours.
Chronique de Vincent Lapalus.
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