J’aime bien quand le voyage commence dès la couverture… là, sous le crayon fabuleux de Miguel Angel Ruiz, une flotte de bateaux antiques, les voiles gonflées par le vent, un guerrier en armure coiffé d’un heaume intégral à cimier et une guerrière, visage peint et regard intense qui ne laisse aucun doute sur sa détermination… Passé la couverture, le voyage s’offre en grand avec la carte très détaillée d’un univers nouveau : Draal. Constitué de trois empires distincts, d’une géographie faite de déserts, de montagnes et d’îles aux noms évocateurs, ce monde est une nouvelle création de Jean-Luc Istin et Nicolas Jarry. Les prolifiques et talentueux bédéistes nous offrent avec ce premier tome, « la compagnie des ombres », un premier contact avec une nouvelle série-concept de leur cru, « Empires ». Le principe de la série-concept est simple : un vaste univers et des tomes qui peuvent se lire indépendamment les uns des autres (avec assez souvent des crossover pour les lecteurs attentifs !). « Empires » est normalement prévu en cinq tomes…
Les amateurs et amatrices d’heroic fantasy ne seront pas dépaysés, Draal fleure bon le clin d’œil à La compagnie noire de Glenn Cook, et à Druss la légende de David Gemmel.
Tulas, capitaine d’une des nombreuses compagnies de mercenaires qui sillonnent Draal à la recherche de subsistance, vient de retrouver massacrés les pèlerins sous sa protection ; il va devoir des comptes du genre qu’il n’a pas envie de payer et, en bon mercenaire, il tient aussi à sa vengeance ! Seulement voilà, se mêle à sa destinée toute tracée la matière d’une quête rédemptrice faite de surnaturel, de renaissance à travers les âges, de bêtes des entrailles de Draal mais surtout de noblesse. Ce n’est pas l’envie qui manque de détailler tout ça davantage mais point de divulgâchage dans ces quelques lignes ! Il est bien préférable que vous plongiez dans le scénario de Nicolas Jarry et dans les dessins de Miguel Angel Ruiz…
Issu de la BD US et du monde du comics, Miguel Angel Ruiz s’est essayé ici pour la première fois à la BD franco-belge et c’est une réussite absolue. Par l’entremise de Kiko Duarte, qui a montré son travail à Jean-Luc Istin, il a rejoint l’équipe d’ Empires et travaille également en Terre d’Ogon » (on se retrouve donc bientôt j’espère en Aquilon !). Inspiré pour cet album par l’esthétique des péplums mais aussi par celle de séries et films comme Les anneaux de pouvoir ou « Games of throne », il utilise aussi bien les techniques traditionnelles (aquarelle, aérographe, crayons, marqueurs…) que sa tablette Cintiq pour façonner des planches qui se lisent toutes seules. Savant mélange de pleines pages et de formats de vignettes variés, l’histoire défile, ponctuée de regards déterminés, de tempêtes et de combats. Tout est détaillé et attire l’œil ; architecture navale et des bâtiments des différents royaumes, plissé des costumes, précision des expressions des personnages, mouvements fluides des lames et musculature saillante des combattants… Le choix des couleurs, signé Vincent Powell, magnifie le tout ; une mention particulière pour moi pour les jeux de lumières et contrastes qui immergent encore davantage le lecteur.
Ce premier voyage dans l’empire voloréen est un indéniable succès qui augure de très belles heures de lecture à venir…
Chronique de Louna Angèle.

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