Quoi de mieux pour démarrer cette cuvée 2025 que de rédiger un article sur un agité du bocal ? Le Déviant aux éditions Urban Comics par James Tynion IV et Joshua Hixson propose une version de Santa Claus façon tueur en série. Attention chers abonnés, le «Father Christmas» se glisse dans la cheminée la hache à la main.
Milwaukee 1973, un psycho-killer nommé le Déviant massacre des adolescents dans une grange et décore les cadavres en sapin de Noël. Les forces de l’ordre le talonnent de près, le monstre réussit à s’échapper après avoir grièvement blessé un policier.
Un mal sans visage drapé d’un cosplay festif s’abat sur l’État de la rive ouest du lac Michigan et provoque un vent de panique.
2023, les villes de Milwaukee (encore) et Chicago sont frappés par des meurtres abominables alors que le désaxé déguisé en Père Noël est incarcéré depuis cinquante ans. Se pourrait-il qu’un copycat ait repris le flambeau avec un modus operandi similaire ?
Michael Schmitz est un auteur de comic-book qui vit le parfait amour avec son petit ami Derek. Il a pour ambition personnelle sinon professionnelle de réaliser l’œuvre de sa vie. L’adaptation illustrée de cette étrange affaire lui permettrait d’atteindre la reconnaissance artistique.
Michael rentre en contact avec Randall Olsen, le bourreau présumé des tueries. Il lui rend visite en prison et expose son projet, une certaine confiance s’installe entre les deux hommes.
Dès leur premier entretien, Randall nie les faits qui lui sont reprochés. Il est le suspect idéal aux yeux de l’opinion publique. Homosexuel et propriétaire de photos compromettantes des jeunes victimes, il subit l’homophobie ambiante ainsi que l’acharnement d’un flic taciturne et mutilé.
Randall Olsen ne serait pas entièrement coupable ni tout à fait innocent.
Michael s’accroche à son sujet et sous couvert de recherches, ce travail lui permettrait de matérialiser ses obsessions car il sent que quelque chose cloche en lui…
James Tynion IV puise l’inspiration de son nouvel opus dans l’histoire criminelle et la rubrique des faits divers. L’Amérique regorge d’assassins qui ont défrayé la chronique comme Ed Gein, Ted Bundy ou Jeffrey Dahmer. Tynion imagine un true crime et vise à dépeindre le plus fidèlement possible la réalité de ces atrocités. Le procédé confère au scénario un ton obscur, nihiliste et brutal. L’intrigue se veut crapuleusement goûtue en explorant les passionnantes zones sombres de l’âme humaine sans concession ni espoir de rédemption. Le Déviant est porté par un casting de personnages déments pour certains, impassibles voire décharnés pour d’autres. Les dialogues concis permettent une immersion totale, l’écriture de James Tynion IV tient ses promesses du début jusqu’à la fin. Quand le suspense horrifique rime avec la fiction psychotique.
Joshua Hixson prend en charge l’intégralité de la partie graphique. Sa composition est soignée, les planches sont superbement élaborées grâce à un style épuré et détendu. Le crayonné est aussi rugueux qu’élégant, ce qui permet à l’artiste de signer une mise en scène «film noir». Le découpage décompressé électrise une narration très dark. Les cadrages emblématiques et gros plans serrés créent un sentiment d’angoisse saisissant. Le séquençage se noie par à-coups dans l’encre de Chine pour mieux coller au côté crade du script. La colorisation oscille entre luminosité vive et contraste déterminant, cette variation opaque instaure une atmosphère d’étrangeté picturale.
En bon anthropologue du Neuvième Art, James Tynion IV gratte la curiosité du lecteur au scalpel. Les éditions Urban Comics traduisent un diptyque freak accrocheur au même titre que WØrldtr33.
Chronique de Vincent lapalus.


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