Alea jacta est, les dés sont jetés… Janvier, c’est le bon moment pour lire une BD sous la couverture, et s’évader en laissant faire la magie du fantastique. Et quand c’est la bande dessinée historique qui accueille des créatures imaginaires, les scènes de combat romaines deviennent aussi généreuses que le scénario… Et la chance peut tourner. Avec Caledonia, tome 1 : La IXème Légion, Eric Corbeyran , prolifique scénariste, nous régale, aux Éditions Soleil. Le début de cette nouvelle saga se déroule au IIième siècle ap. J.C. , et met les Romains face aux valeureux ancêtres des Écossais. Il n’en fallait pas plus pour donner au dessinateur Emmanuel Despujol et à la coloriste Juliette Despujol (sa fille) un terrain de jeu de personnages, couleurs, décors et ambiance. Défi relevé avec succès, entre codes du péplum – capes rouges, casques, boucliers, sans oublier la discipline – et brumes enveloppantes laissant apparaître des étrangetés… Face à un peuple fort et libre, maquillé de bleu, à sa sorcière, et à son héroïne, une jeune femme sauvage et résistante, l’armure et la stratégie suffiront-ils ?
L’histoire commence fort, avec, dans la pénombre, ce qui semble bien être le sacrifice de cinq enfants calédoniens, amenés en bateau pour s’enfoncer dans un lieu d’angoisse. Lucius Aemilius Karus, Centurion, fait face à une tribu dotée d’une magie puissante et secrète. Il nous partage ses pensées et ses doutes… Leta, fille du chef Galam, est une jeune femme intrépide. Sa capture est-elle la clé pour pacifier Caledonia ? Chaque civilisation, avec ses codes, sa hiérarchie, possède ses avantages : savoir utiliser le relief à son avantage, ou n’être qu’un maillon d’une armée massive – la IXème légion. Mais des dissensions naissent également des deux côtés… Le surnaturel monte en puissance, d’une très grande main noire à de forces supérieures qui sèment la pagaille dans le fort romain. Lucius Aemilius a-t-il raison de s’entêter ?
Dessins et découpages sont travaillés et parfaitement maîtrisés, la colorisation, à la tablette graphique, soignée. Si les dégradés et peaux sont parfois un peu lisses, les tons sont finement ajustés. Le duo père-fille sait jouer sur les ambiances et donner des frissons. Superbes paysages de forêts vallonnées et embrumées, pluie fine, corbeaux, embruns, cimes d’arbres dénudées, racines et branches sombres en contre-jour…. Certaines scènes sont laissées à la nuit profonde, offrant des contrastes saisissants et rythmant le récit. Les costumes et coiffes ne sont pas oubliés : tresses et fourrures pour les uns, célèbres tenues romaines alliant tissus rouges, métaux et cuir pour les autres. Et surtout, les exotiques tatouages bleus sur le corps et le visage, sous forme de belles volutes et de formes géométriques impressionnantes, apportent esthétique et mystère.
« Force et honneur », cela pourrait être la devise de chacun des camps… L’histoire, qui explore les failles humaines, nous révèle une complexité plus grande qu’un simple affrontement, dans un décor immersif et dépaysant à plus d’un titre. De quoi attendre la suite avec impatience… Mais Rome ne s’est pas faite en un jour !
Chronique de Mélanie Huguet.


©Éditions Soleil, 2024.