Minuit passé

Cela fait déjà plusieurs mois que je rêve de ce titre. Il n’aura fallu qu’un regard sur la couverture croisée furtivement sur un moteur de recherche, pour que je sois obnubilée par cette bande dessinée. J’ai eu le privilège de lire en grande partie l’album en PDF et depuis, je n’ai cessé d’en parler autour de moi. Aujourd’hui, Minuit passé de Gaëlle Geniller publié chez Delcourt/Mirages est en librairie et je ne suis en rien déçue. L’ouvrage est aussi beau qu’escompté, il l’est même davantage.

Courant 2022, sont apparus des romans dont les éditeurs ont utilisé le « Jaspage » pour orner la tranche des livres. Des illustrations, des dorures, de la couleur, chacun des exemplaire en devient une œuvre d’art. Pour la nouvelle création de l’autrice née à Saint- Priest, proche de Lyon, Delcourt a utilisé cette technique qui a vu le jour à la fin du Moyen Âge. À l’époque, elle avait pour fonction de protéger le manuscrit, de nos jours, son usage est purement esthétique et franchement, ça a de la gueule !

Guerlin retourne habiter dans la maison de son enfance avec son fils Nisse. Les ans écoulés dans le manoir familial, ne lui ont laissé aucun souvenir. La demeure et ses jardins sont vastes. Depuis que le papa et l’enfant se sont installés, Guerlin a, comme par le passé, perdu le sommeil. Après quelques jours, trois corneilles s’introduisent dans la bâtisse et refusent d’en être délogées. Elles déversent quotidiennement sur l’homme des fleurs de diverses variétés et couleurs.

Nisse, explore son nouvel habitat et ses nombreuses étrangetés, dont un mur tapissé de clichés où figurent ses aïeux. Il y a aussi une ombre qui se meut à côté de lui dans les couloirs labyrinthiques. Allez savoir si cette forme sinistre est bienveillante ou pas, il est encore trop tôt à ce stade pour le savoir.

Tobiasse, Liliande et Sombelline, les grandes sœurs de Guerlin, ont eu vent des phénomènes mystiques qui entourent leur frère et neveux et s’inquiètent pour eux. Guerly, comme elles aiment l’appeler, se veut rassurant. Elles trouvent une signification aux pétales que les oiseaux déversent autour de lui. Lorsqu’il était petit, il évoluait dans un mutisme total. Pour pouvoir exprimer ses émotions, Sombelline lui a appris qu’il pouvait le faire par le biais des différentes sortes de fleurs. C’est comme ça qu’il s’est mis à confectionner un herbier et à communiquer avec son aide. Suite à cette révélation, il retrouve son précieux carnet dans l’une des bibliothèques.

Les jours, les semaines défilent. Le père et son minot voguent entre rêve et réalité. Parfois ces réalités semblent engageantes, mais par moment le trouble s’installe. Que s’est-il réellement produit lors de ses jeunes années ? L’esprit qui hante la résidence a-t-il un lien avec le passé ? Doivent-ils s’enfuir et tourner le dos à tous ces mystères ? Guerlin va-t-il retrouver le sommeil ?

L’artiste nous a accoutumé à ses réalisations somptueuses. Après l’élégante BD jeunesse Les fleurs de grand frère et le saisissant Le jardin Paris, elleserenouvelle avec une composition aux touches ornementales. Les planches sont admirablement travaillées. Elles foisonnent de détails floraux et les cases sont composées de multiples façons. Cela administre un raffinement délicat aux pages. Elle a apporté un soin méticuleux aux détails et tout particulièrement aux arabesques qui ornent les tissus qui composent les habits des divers protagonistes.

Vous l’aurez deviné, c’est indéniablement un de mes gros coups de cœur de cette fin 2024. Si vous ne savez pas quoi offrir ce prochain mois, arrêtez-vous devant ce recueil, ouvrez-le et repartez avec. Ce présent aura autant de valeur que le plus luxueux des diamants…

Chronique de Nathalie Bétrix


© Delcourt, 2024.

Laisser un commentaire