Bon nombre de personnes qui me connaissent, pourraient supposer à tort, que ce qui m’a attirée vers cette BD, serait que l’on trouve en première page une splendide rousse pulpeuse à souhait sous la douche et sur la couverture un type musclé avec une grosse épée ! Ce n’est pas tout à fait faux, mais, et oui, il y a un mais, dans ce petit bouquin réalisé par Run et Rours, la plantureuse rouquine n’est pas l’héroïne et le malabar cicatrisé (Rours me l’a confirmé) cache peut-être bien son jeu. Ce premier tome du triptyque Jaune au Label 619 des éditions Rue de Sèvres, est promis à hanter vos nuits.
J’ai de vagues souvenirs de mes camps de vacances, pourtant, une chose est sûre, je ne faisais pas partie des gonzesses populaires. La chevelure flamboyante, plutôt ronde, recouverte de taches de son, je préférais la jouer solo que d’écouter jacasser les nanas et de les regarder papillonner autour des mecs. Notre héroïne, Lucie, une jolie noiraude, si si, on peut bien utiliser ce terme pour les cheveux couleur de jais, n’est pas la camarade la plus appréciée.
Lors d’une veillée, un mono déblatère à son auditoire une sanglante légende urbaine. Elle rapporte les meurtres répugnants qui se sont déroulés dans le coin et qui ont été accomplis par un tueur au ciré jaune arborant une machette. La tension est palpable et quand l’animateur lâche en rugissant « le slasher » toute la troupe sursaute. Lucie, plus effrayée que les autres blanc-bec, va donner des idées à ses comparses.
Sachant que la donzelle se trouve toute seule sous sa tente, la bande de prétentieux décide de lui foutre une méga frousse. Justin, le plus mauvais du groupe, revêt la tenue de l’assassin sanguinaire, pour s’en prendre à la gamine. Surprise, mais combative, l’infortunée se débat et met une branlée au connard. C’est à ce moment-là que tout bascule. Prenant ses jambes à son cou pour échapper à ses harceleurs, elle va se retrouver au mauvais endroit, au mauvais moment. Il n’est pas bon de surprendre ses adversaires dans certaines positions. Cette fois, elle est vraiment dans la merde. La suite est brutale et ce n’est que grâce à l’égorgeur qui reprend du service que son existence ne prendra pas fin subitement…
Si j’ai bien compris, nos artistes souhaitent que l’ouvrage soit identifié comme un manga. Et pourquoi pas. Avant eux, d’autres auteurs francophones se sont essayés à cet art, comme Mathieu Reynès avec La théorie du KO, un titre publié chez Vega/Dupuis et Sylvain Ferret et le dessinateur Nevan qui ont coproduit L’ombre de Moon pour Delcourt / Tonkam. À chaque fois une réussite.
Fans des films « Slasher », qui mettent systématiquement en scène des meurtriers psychopathes masqués et qui s’en prennent aux jeunes, nos deux trublions ont clairement pris leur pied. Run a composé un scénario qui déchire et qui vous éclabousse d’hémoglobine. Rours use de son trait singulier et acéré, qui dépote autant que les coups de lattes qui sont distribués à tout va tout au long de l’album. La narration visuelle est en deux teintes, une en noir et blanc pour ce qui se situe dans le passé et des chapitres colorés pour les actions du présent. La suite sortira dans le premier semestre 2025, et j’avoue que j’ai hâte de connaître la suite des déconvenues de l’amie Lucie.
La vengeance est un plat qui se mange froid !
Chronique de Nathalie Bétrix

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